Page:Revue philosophique de la France et de l’étranger, tome IX, 1880.djvu/237

La bibliothèque libre.
Cette page n’a pas encore été corrigée
227
analyses. — b. saint-hilaire. De la Métaphysique.

rale, une dialectique, au sens de Platon. Dans l’ancienne métaphysique, la raison pure se subit et s’ignore ; dans le kantisme, elle se connaît, mais empiriquement, et, ne s’expliquant pas, continue de se subir : la philosophie dont nous parlons essaye de l’expliquer et de s’en affranchir, en montrant que ni ses produits objectifs ni ses formes subjectives n’ont de réalité en soi, puisqu’on peut rendre raison du processus qui les engendre. Le réalisme intellectuel sous sa forme spontanée, la métaphysique, et sous sa forme réfléchie, la critique, est donc le point de départ seulement, ou pour mieux dire le champ d’études, la matière de l’idéalisme moral, qui voit dans toutes ses concrétions deux choses, des idoles à briser, des symboles à éclaircir.

Le développement que ces idées voudraient pour prendre une valeur ne saurait trouver place ici. Il nous suffit d’avoir marqué la différence de points de vue qui sépare Aristote et Platon. Cette différence toute subjective établit entre leurs doctrines, même dans les parties où elles semblent coïncider à la surface, un contraste intime qui explique bien ce que la critique du disciple a de dur et d’immodéré. Esprit positif, tourné vers le dehors, formé à l’école de l’observation sensible et de la logique, habitué à chercher partout des faits perçus ou des faits démontrés, Aristote ne pouvait voir dans la philosophie première qu’un système de la science objective, qu’une théorie concrète de ses principes : il créa la métaphysique. Science des principes, la philosophie d’Aristote est encore la science, d’intention du moins ; celle de Platon veut être mieux. Reflétant le monde sans y descendre, c’est dans l’esprit qu’elle l’étudié, dans les actes qui le transfigurent en le faisant participer à cette vie supérieure où le droit et le devoir deviennent l’être vrai, où le bien se fait lumière, l’amour raison, la pratique enfin suprême théorie. Le philosophe de Platon n’est pas un savant, c’est un pédagogue, et la dialectique, avec ses dépendances, est ce que sera sans doute la philosophie de l’avenir, une méthode morale.

Nous sommes donc avec M. Barthélémy Saint-Hilaire, quand il accuse Aristote d’avoir méconnu le platonisme, bien qu’il ne tienne pas sa promesse de citer des textes décisifs à l’appui de sa pensée. Nous ne le lui reprochons pas, ne croyant guère aux textes décisifs, aux vérités qui se font toutes seules, bienvenues d’un siècle qui aime une science à portée de tous les ouvriers. M. Barthélémy Saint-Hilaire reconnaît que le langage de Platon est sujet à équivoque : n’est-ce pas avouer qu’avec lui les citations, les arguments paresseux ne sauraient suffire, qu’il faut se résoudre à interpréter, à descendre dans cet arrière-fond où se cachent à demi-conscients les principes des doctrines ? Il est vrai que c’est chose difficile et périlleuse ; mais toute philosophie est une aventure.

La philosophie de l’avenir en sera une d’un genre nouveau. Tout porte à croire que renonçant à dogmatiser pour son propre compte sur les problèmes que la métaphysique tranchait et qui sont démontrés insolubles, elle s’enfermera de plus en plus dans l’histoire et dans la