Page:Revue philosophique de la France et de l’étranger, tome IX, 1880.djvu/247

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dition, dont il entend ne rien sacrifier. Seulement il fait à la nouveauté sa part, et cela suffit : là est l’intérêt de son Traité. Quelle sera cette part ? On nous avertit qu’elle est faite « avec réserve et sobriété, dans une juste mesure. » C’est ce qu’on pouvait prévoir et personne n’aurait bonne grâce à s’en plaindre. Il est clair qu’un livre classique ne peut prendre des nouveautés que ce qui n’est pas trop aventureux.

Quant à l’ordre général, la Morale sera placée avant la Théodicée et la Métaphysique ; mais ce n’est pas, à vrai dire, une nouveauté. C’est l’ordre inverse qui en était une, et si peu justifiable, qu’il n’est probablement pas une classe de philosophie tant soit peu importante où elle ait prévalu. M. Janet est très net sur ce point : « La psychologie, la logique et la morale avec l’esthétique forment une seule science, qui est la science de l’homme et qui ne doit pas être coupée par la moitié. La métaphysique doit être au commencement ou à la fin de la science : elle ne peut pas être au milieu. On craint d’affaiblir la morale en lui étant la base de la théodicée, mais on ne voit pas qu’on affaiblit la théodicée en lui ôtant la base de la morale. »

La Logique comprendra un chapitre original sur les Qualités de l’esprit, « chapitre, il est vrai, plus littéraire que philosophique. » La Morale sera sans doute un résumé du livre que tout le monde connaît. La Théodicée ne peut guère s’écarter de la tradition ; et, sous le nom de Métaphysique, l’auteur, très familier avec la scolastique, semble vouloir exposer surtout la métaphysique générale, l’ancienne métaphysique de l’école, car il maintient dans sa psychologie les problèmes, métaphysiques s’il en fût, de la nature de l’âme et de l’union de l’âme et du corps. — C’est dans la Psychologie qu’il faut chercher les innovations principales.

« La psychologie classique a eu le défaut de tout morceler ; elle a trop séparé l’esprit du corps, trop séparé aussi l’individu de la société… L’homme commence par l’animalité, il s’achève par la société. » La psychologie confine donc d’une part à la physiologie, d’où elle doit partir, de l’autre à la sociologie, où elle aboutit. Le premier chapitre de M. Janet est une description sommaire du corps humain, le dernier une étude de l’homme social. Commencer la psychologie par une étude des organes et des fonctions de l’homme, par une description du système nerveux accompagnée de figures anatomiques, voilà qui est vraiment nouveau dans la philosophie classique ; les rares professeurs qui jusqu’ici faisaient quelque chose d’analogue, si discrètement que ce fût, passaient pour indépendants, presque pour hardis. M. Janet invoque la tradition du xviie siècle et l’exemple de Bossuet ; il proclame la nécessité pour la philosophie de partir du concret et du réel. « Ce qui existe en fait, c’est l’homme entier, âme et corps. » La psychologie n’en étudie qu’une partie, mais « cette partie supérieure a comme condition nécessaire l’existence du corps organisé ». Le tableau des opérations de l’âme est modifié en conséquence. On commence par celles qui sont « les plus près des phénomènes corporels » et qui con-