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PHILOSOPHES CONTEMPORAINS



M. VACHEROT


L’œuvre de M. Vacherot n’est pas seulement intéressante comme histoire d’un libre esprit, elle fait partie du développement logique de la philosophie française au xixe siècle siècle. Au moment où il écrit, le positivisme rejette toute spéculation sur les causes, rallie les esprits prudents qui ont. plutôt la crainte de l’erreur que l’amour de la vérité ; la théologie a pour elle la foule qui tient à ses habitudes ; l’éclectisme se sépare de la science, ménage la théologie, substitue à l’autorité de la révélation l’autorité du sens commun. Le positivisme mutile l’esprit, la théologie le supprime, l’éclectisme n’ose le rétablir dans tous ses droits. M. Vacherot trouve cette scission de la métaphysique et de la science illogique : la science, c’est la réalité ; la métaphysique, c’est l’explication de la réalité ; la première contrôle la seconde, la seconde achève la première, l’esprit ne peut être satisfait que par leur conciliation. Tout accorder aux savants sans rien refuser aux prétentions légitimes de l’intelligence humaine, tel est le dessein de M. Vacherot. Il garde de l’éclectisme le goût de l’histoire, mais il voudrait emprunter à la science positive avec la sûreté de ses méthodes la certitude de ses résultats ; il voudrait ne rien oublier, embrasser tout ce qui est réel et tout ce qui est vrai dans un système compréhensif et scientifique dont l’âme serait faite de l’âme de vérité qui a donné la vie, ne fût-ce qu’un instant, aux systèmes antérieurs. Cette méthode syncrétique est exposée à prendre la juxtaposition des idées pour leur conciliation et, dans cet égal amour de toutes les vérités, à sacrifier la vérité même, qui ne saurait se composer d’idées contradictoires. M. Vacherot a-t-il réussi à faire de la métaphysique une science positive et à condenser dans son système les principes de tous les autres systèmes ? Suivons la marche qu’il a suivie : son livre est l’histoire de sa pensée ; résumons cette histoire ; cherchons dans ses études historiques les éléments de sa propre doctrine, puis voyons dans quelle mesure il a réussi à former de ces éléments un tout organique et vivant.