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p. tannery. — thalès et ses emprunts a l’égypte.

dire des angles semblables au lieu de dire des angles égaux. Mais le procédé dont il s’est servi pour reconstituer les connaissances de Thalès nous est dévoilé par ce qu’il nous dit de la proposition 4. Celle-ci était employée par Thalès pour mesurer la distance d’un point inaccessible. C’est dire qu’Eudème a conclu d’une solution de ce problème, attribuée au Milésien par la tradition, la connaissance des théorèmes qu’elle suppose.

Pour reconstituer cette solution, M. Bretschneider a écarté avec raison celles qui demandent l’emploi de triangles semblables. Celle qu’il propose nécessite un instrument permettant de mesurer les angles, comme le dioptre, que possédèrent plus tard les géomètres grecs, mais qui semble avoir été inconnu à Thalès, comme aux Égyptiens. Il nous paraît beaucoup plus rationnel d’adopter celle des agrimenseurs romains, qui ne demande que l’équerre et les jalons, et dont l’origine doit être cherchée sur les rives du Nil.

Voici cette solution ; soit AB la distance horizontale du point B accessible au point A inaccessible ; on élève avec l’équerre, en B, la perpendiculaire BB’ à la droite AB. On prend sur cette droite une longueur BC, que l’on prolonge d’une longueur CB’ égale. On élève avec l’équerre en B’la perpendiculaire B’A’ à BB’, dans le sens opposé à AB ; on jalonne la droite ACA’, et on détermine son intersection avec la droite B’A’. Les triangles ABC, A’B’C sont égaux, et par suite A’B’, qu’on peut mesurer, est égale à la distance inconnue AB.

Cette solution, outre la 4° proposition, nécessite la 3 e pour établir l’égalité des angles opposés par le sommet ACB, A’CB’; cette dernière a donc dû être attribuée à Thalès par induction, comme la 4e. On est dès lors autorisé à conclure que l’attribution des deux premières a une origine analogue ; la seconde viendra par exemple d’une solution pour construire une perpendiculaire sans se servir d’équerre ; quant à la première, je considère comme probable qu’elle a été déduite d’une proposition astronomique attribuée à Thalès.

En résumé, nous nous trouvons en présence de deux ou trois procédés très simples pour résoudre des problèmes pratiques d’arpentage ; et il n’y a là évidemment qu’une très mince partie du bagage de connaissances que Thalès avait pu facilement recueillir dans ses voyages, si nous prenons, ainsi que cela semble suffisamment justifié, les méthodes imparfaites des agrimenseurs romains comme représentant sensiblement celles des arpenteurs de l’Égypte.

De même, les solutions attribuées par Eudème à Œnopide de deux problèmes (la construction d’une perpendiculaire dans l’espace et celle d’un angle égal à un angle donné) ne doivent nullement être