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considérées comme des inventions grecques ; la relation d’Eudème signifie seulement qu’Œnopide publia le premier (soit par lui-même, soit par ses disciples, car il fit école[1]) une solution raisonnée de ces deux problèmes, envisagés d’ailleurs probablement au point de vue de l’astronomie pratique et non de l’arpentage.

Tout au contraire, les travaux attribués, soit à Pythagore, soit à ses disciples, présentent un caractère nettement spéculatif, et ils semblent dépasser du premier coup le niveau des connaissances égyptiennes. C’est donc là qu’il faut, sans remonter plus haut, reconnaître et saluer l’apparition de l’originalité mathématique de la race hellène.

IV

Simplement disciple des Égyptiens pour la géométrie, Thalès les a-t-il dépassés en astronomie ?

D’après un extrait que nous a conservé Théon de Smyrne, Eudème attribuait au Milésien, outre la prédiction des éclipses du soleil, la découverte de la non -uniformité de la circulation tropique de cet astre. Pour le premier point, sur lequel nous nous sommes suffisamment étendus, nous avons admis comme sources historiques le récit d’Hérodote et un témoignage de Xénophane ; quant au second, il est probable qu’Eudème s’appuyait sur un ouvrage d’environ deux cents vers, Περὶ τροπῆς ϰαὶ ἰσημερίας(Sur le solstice et l’équinoxe), plus ou moins sérieusement attribué à Thaïes, mais qu’on pouvait en tout cas considérer comme représentant sa doctrine.

La signification exacte du texte qui nous occupe (τὴν ϰατὰ τὰς τροπὰς περίοδον, ὡς οὐϰ ἴση ἀεὶ συμϐαίνει[2]) est assez douteuse. M. Th. H. Martin y voit l’opinion erronée que la durée de l’année tropique n’est pas constante, opinion où l’inexactitude des observations entraîna plus tard divers astronomes de l’antiquité. Il me paraît plus simple d’y voir l’affirmation de l’inégalité des jours vrais, de la différence entre les durées des temps qui s’écoulent entre deux passages successifs du soleil au méridien, suivant que l’astre est voisin du solstice ou de l’équinoxe. C’est là pour la mesure du temps un fait fondamental, dont la constatation dut avoir lieu dès les premières observations régulières avec le gnomon et la clepsydre.

  1. Proclus, op. cit., p. 80. (Hippocrate de Chios était-il son élève ?) Rien au contraire ne semble indiquer que Thalès ait été réellement chef d’école, comme les savants d’un siècle plus tard.
  2. Théon de Smyrne, Liber de astronomia, éd. Martin, p. 322.