Page:Revue philosophique de la France et de l’étranger, tome IX, 1880.djvu/337

La bibliothèque libre.
Cette page n’a pas encore été corrigée


ANALYSES ET COMPTES-RENDUS


C. Staniland Wake. The evolution of morality, being a history of the deyelopment of moral culture. Londres, Trubner and C°. 1878. 2 vol. in-8°.

L’ouvrage de M. St. Wake est bien ce qu’indique son titre, une histoire du développement de la culture morale, et non une histoire des différents systèmes de morale. La différence est grande : les philosophes moralistes construisent des théories qui sont souvent très loin d’exprimer exactement le degré de moralité de la société où ils ont vécu. Ils sont ordinairement fort en avance sur leur époque ; ils traduisent l’idéal d’un petit nombre d’âmes d’élite. Nous avions d’excellentes expositions du progrès des idées morales, surtout dans l’antiquité ; il suffit de rappeler les livres, aujourd’hui classiques, de MM. Denys, Janet, Lecky. L’entreprise de M. Wake est nouvelle, et l’auteur a mis à la disposition d’un esprit toujours judicieux, parfois pénétrant, les connaissances les plus étendues. C’est dire assez que son œuvre mérite toute notre attention.

Une introduction d’une soixantaine de pages résume brièvement les systèmes modernes de morale. M. Wake oppose, après tant d’autres, l’école intuitive (Cudworth, Clarke, Malebranche, A. Smith, Butler, Hutcheson, Mackintosh) à l’école inductive (Mill, Bain, Spencer, Darwin). Il montre, par une critique assez approfondie de la doctrine de ces deux derniers philosophes sur l’origine et la nature du sens moral, qu’ils ne rendent pas compte de l’élément tout rationnel, l’idée du bien ou de l’obligation, qui s’y trouve nécessairement impliqué.

Mais qu’est primitivement cette intuition spontanée du bien ? Quel dut être l’état moral de l’humanité naissante ? La solution de cette question s’impose à quiconque prétend tracer l’histoire du développement de la moralité. Il importe avant tout de marquer exactement le point de départ de l’évolution. M. Wake prend pour accordé que « plus bas on descend dans l’échelle de l’humanité existante, plus, à priori, on doit s’attendre à se rapprocher de la condition de l’homme primitif. » C’est, on le sait, le postulatum de toute l’école évolutionniste, de MM. Spencer, Lubbock, Tylor. Pourtant M. Wake n’ignore pas les arguments de ceux qui soutiennent que le niveau moral de l’homme