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éléments du système. Le but marqué, il reste à tracer la route qui y conduira et à l’atteindre.

D’où viennent les erreurs des philosophes ? De l’esprit systématique qui refuse d’interroger toutes les facultés de l’intelligence et de tenir compte de tout ce qui est. Avant tout, consultons donc l’intelligence ; pour savoir ce qu’elle peut, sachons ce qu’elle est ; pour éviter la partialité, interrogeons toutes ses puissances. Efforçons-nous aussi de répondre aux exigences légitimes des savants. On reproche à la métaphysique d’être condamnée à l’impuissance, de poser des principes ruineux et de se laisser séduire par la rigueur des déductions. Donnons à la métaphysique la certitude en établissant ses principes par les procédés des savants. Ne demandons aucune concession ; n’invoquons ni révélation mystérieuse, ni hypothèse vraisemblable. L’expérience, l’abstraction, l’analyse et la synthèse sont les instruments de toute science, ne demandons rien de plus : la métaphysique sera une science. Alors nous aurons vraiment satisfait à l’esprit scientifique comme à l’esprit historique de notre temps. Concilier les divers systèmes en acceptant leur vérité relative, trouver et imposer les principes de cette conciliation par une méthode vraiment scientifique, telle est l’œuvre qu’entreprend M. Vacherot.

Le monde et l’esprit sont en présence : comment le monde devient-il pensée dans l’esprit ? Avant tout, l’homme connaît les objets individuels, c’est l’œuvre de la perception ; la science étudie les rapports de ces" individus, découvre la stabilité des lois générales sous la mobilité des phénomènes, c’est l’œuvre de l’entendement ; la métaphysique va plus loin, elle cherche les principes universels qui dominent toutes les existences particulières et en composent la vie de l’Être unique, dont tout ce qui est manifeste la puissance infinie, c’est l’œuvre de la raison. Si chacune de ces facultés a des droits égaux à notre confiance, la métaphysique est aussi légitime que la science.

Étudions d’abord la perception sous ses deux formes:la conscience et la perception extérieure. « La conscience n’est pas la simple connaissance des modifications et des actes du moi ; c’est le sentiment immédiat et direct du moi lui-même, de ses forces, de ses pouvoirs, de ses facultés, de ses aspirations, de tout son être enfin. » Il ne faut pas confondre l’observation intime et la conscience; la première ne révèle que les phénomènes de la vie intérieure, la seconde atteint l’être lui-même, le moi « qui se sent tel qu’il est, qui se sent tout ce qu’il est, c’est-à-dire une force une, active, libre, rien de plus, rien de moins. » Les données de la conscience, quand on élimine tout ce qui ne lui appartient pas en propre, se résument dans ces quelques attributs du moi.