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g. séailles.philosophes contemporains

si la négation n’était pas le repos, si s’être prouvé son impuissance n’était pas une consolation ; une voix inconnue parlait, il a été de ce côté ; Hegel tentait un dernier effort vers l’absolu, un dernier coup d’audace ; il ne s’est arrêté qu’à cette suprême étape de l’esprit humain. Maintenant assis au bord du chemin, il songe. Tous ses souvenirs combattent ; les systèmes se disputent son esprit et s’y bousculent. Volontiers les voyageurs qui ont trouvé autant de croyances sincères que d’erreurs possibles finissent par le doute et par l’ironie : sa curiosité satisfaite se tournera-t-elle en lassitude et en dégoût ? S’il est las, l’épicurisme le tente : « L’homme n’a besoin d’idées que ce qu’il en faut pour vivre en accord avec la nature, en paix avec lui-même et avec les autres, pour s’en aller le plus tranquillement possible vers la mort, qui est la solution véritable, vers la mort très douce au pauvre esprit, fatigué de la stérile agitation des idées. » Et s’il n’est pas brisé par cette longue marche à travers l’histoire, c’est la science qui l’invite et l’appelle, « Pourquoi épuiser tes forces à lutter contre un fantôme que tu crées ? n’es-tu pas pris de tristesse à voir les vains efforts des plus grands esprits ! Réveille-toi, la réalité est plus belle que ton rêve. L’univers n’est-il pas assez vaste, assez fécond ? les objets manquent-ils à ton étude, des astres aux atomes ? Suivre les infinies métamorphoses du soleil ne vaut-il pas mieux que suivre les obscures conséquences d’une plus obscure abstraction. » Malgré tout, M. Vacherot ne renonce pas à son œuvre ; il lui reste le courage d’oser et l’espérance de réussir.

II

On dit : Les erreurs des métaphysiciens condamnent la métaphysique ; la science des phénomènes et de leurs lois doit suffire à l’esprit qui ne peut atteindre les principes ni les causes. M. Vacherot maintient que les erreurs des autres ne doivent pas nous décourager, mais nous instruire, que supprimer un problème n’est pas le résoudre, et que le progrès des sciences positives ne doit pas avoir cette conséquence d’amoindrir et d’humilier l’esprit humain. Éviter les erreurs commises en s’élevant au point de vue supérieur qui domine les points de vue partiels, réconcilier la métaphysique avec la science, faire de l’idée l’expression du fait, montrer l’intelligible dans le réel, telle est l’œuvre à accomplir. Cette œuvre doit être l’œuvre philosophique du xixe siècle, du siècle de la science et de l’histoire. L’histoire préserve de l’erreur, la science donne la méthode et les