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réparée et si vite oubliée, que j’ai dû en noter plusieurs immédiatement pour en garder le souvenir. En voici des exemple : Voulant écrire : « doit de bonnes, » j’écris « donne ». Voulant écrire : « ne pas faire une part, » j’écris : « ne part faire, » etc., etc. Évidemment, dans le premier cas la lettre D, et dans le second la lettre P (j’entends par lettre l’état psychophysiologique qui sert de base à leur conception et à leur reproduction graphique), ont suscité un groupe au lieu d’un autre groupe ; et cette confusion était d’autant plus facile que le reste des groupes onne, art était déjà éveillé dans la conscience. — Je ne doute pas que ceux qui prendront la peine de s’observer à ce point de vue ne constatent que c’est un fait fréquent.

Ce qui précède est une hypothèse ; ne l’oublions pas : mais elle paraît conforme aux données scientifiques, elle rend compte des faits. Elle nous permet de nous représenter sous une forme assez nette les bases de la mémoire organique, de ces mouvements acquis qui constituent la mémoire de nos divers organes, de nos yeux, de nos mains, de nos membres supérieurs et inférieurs. Ces bases ne consistent pas pour nous en un enregistrement tout mécanique ; ni, suivant la comparaison accoutumée, en une empreinte qui serait conservée on ne sait où, semblable à l’image de la clef dont il était question plus haut. Ce sont des métaphores de l’ordre physique qui ne sont pas à leur place ici. La mémoire est un fait biologique. Une mémoire riche et bien fournie n’est pas une collection d’empreintes, mais un ensemble d’associations dynamiques très stables et très promptes à s’éveiller.

II

Nous allons étudier maintenant une forme plus complexe de la mémoire, celle qui est accompagnée de faits de conscience, que la langue usuelle et même celle des psychologues considère comme la mémoire tout entière. Il s’agit de voir en quelle mesure ce qui a été dit de la mémoire organique lui est applicable et ce que la conscience y ajoute.

En passant du simple au complexe, de l’inférieur au supérieur, d’une forme stable à une forme instable de la mémoire, nous ne pouvons échapper à une question préalable, celle des rapports de l’inconscient et de la conscience. Ce problème est tellement entouré d’obscurité naturelle et de mysticisme artificiel qu’il paraît difficile d’en dire quelque chose de clair et de positif. Nous l’essayerons.

Il est bien évident d’abord que nous n’avons pas à nous occuper