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Th. ribot. — la memoire comme fait biologique.

de la métaphysique de l’inconscient, telle que Hartmann ou tout autre l’ont comprise. Nous commencerons même par déclarer que nous ne voyons aucune manière d’expliquer le passage de l’inconscient à la conscience. On peut faire là-dessus des hypothèses, ingénieuses, plausibles ; rien de plus. D’ailleurs, la psychologie comme science de faits n’a pas à s’en inquiéter. Elle prend les états de conscience à titre de données, sans s’occuper de leur genèse. Tout ce qu’elle peut faire, c’est de déterminer quelques-unes de leurs conditions d’existence.

La première de ces conditions, c’est le mode d’activité du système nerveux, que la plupart des physiologistes désignent sous le nom de décharge nerveuse. Mais la plupart des états nerveux ne font pas naître la conscience, ou n’y contribuent que très rarement et d’une manière indirecte : par exemple, les excitations et les décharges dont le grand sympathique est le siège ; l’action normale des nerfs vaso-moteurs ; un grand nombre de réflexes, etc. D’autres sont accompagnés par la conscience d’une manière intermittente, ou bien, après avoir été conscientes pendant la première période de la vie, cessent de l’être à l’état adulte (par ex. : les actions automatiques secondaires dont nous avons parlé). L’activité nerveuse est beaucoup plus étendue que l’activité psychique : toute action psychique suppose une action nerveuse, mais la réciproque n’est pas vraie. Entre l’activité nerveuse qui n’est jamais (ou presque jamais) accompagnée de conscience et l’activité nerveuse qui l’est toujours (ou presque toujours), il y a celle qui l’est quelquefois. Au point de vue psychologique, on l’appelle l’inconscient.

Avant d’en venir à des conclusions plus nettes et plus solides sur ce sujet, notons encore deux conditions d’existence de la conscience : l’intensité et la durée.

1° L’intensité est une condition d’un caractère très variable. Nos états de conscience luttent sans cesse pour se supplanter ; mais la victoire peut également résulter de la force du vainqueur ou de la faiblesse des autres lutteurs. Nous savons — et c’est un point que l’école de Herbart a très bien élucidé — que l’état le plus vif peut continuellement décroître jusqu’au moment où il tombe a au-dessous du seuil de la conscience », c’est-à-dire où l’une de ses conditions d’existence fait défaut. On est bien fondé à dire que la conscience a tous les degrés possibles, si petits qu’on voudra ; à admettre en elle des modalités infimes, ces états que Maudsley appelle subconscients ; mais rien n’autorise à dire que cette décroissance n’a pas de limite, bien qu’elle nous échappe.

2° On ne s’est guère occupé de la durée comme condition néces-