Page:Revue philosophique de la France et de l’étranger, tome IX, 1880.djvu/639

La bibliothèque libre.
Cette page n’a pas encore été corrigée
629
F. - R.. — considérations sur la philosophie chimique

On a été amené ainsi à considérer les atomes de carbone comme se soudant aux atomes de carbone, par l’échange d’une, ou de deux, ou de trois atomicités, ou même peut-être de quatre atomicités pour le carbone libre. Puis on a attribué à d’autres atomes que le carbone la propriété de se souder l’un à l’autre : l’oxygène est dans ce cas. D’après les recherches de M. Soret, la molécule d’ozone est O3 dans deux volumes, tandis que la molécule d’oxygène est O2 en deux volumes. La théorie atomique exprime ce fait par le graphique suivant :

O

O

oxygène libre

O
|
O

O ozone.

On voit que la considération de l’atomicité facilite l’exposition de beaucoup de faits nouveaux ; elle permet de prévoir une foule de phénomènes ; elle interprète certaines isoméries de la manière la plus satisfaisante ; enfin, elle a rendu et rendra encore les plus grands services à la science, comme méthode d’exposition et de classification des faits chimiques. Elle n’a pas cependant autant de généralité que les lois pondérales ou dynamiques, et elle est impuissante à résoudre bien des problèmes. En outre, quoique des efforts ingénieux aient été tentés pour faire rentrer tous les faits dans le cadre atomique, il ne faut pas se dissimuler que beaucoup de ces faits ne peuvent être expliqués par la théorie atomique qu’en introduisant une longue série d’hypothèses. Au demeurant, les limites que nous nous sommes assignées nous empêchent d’entrer dans tous les détails que mériterait la discussion de cette théorie.

La chimie a à peine cent années d’existence, et cependant on ne peut se défendre d’un sentiment d’admiration et d’étonnement quand on considère la somme énorme de faits accumulés en si peu d’années par les chimistes et disposés dans un ordre parfait, d’où se dégage déjà un ensemble de lois générales, simples et indiscutables[1].

Autrefois, l’objet du chimiste était de connaître les corps de la nature. Ce n’est plus aujourd’hui qu’une partie de notre tâche. Nous n’envisageons pas seulement ce qui est, mais encore ce qui peut être, et tout ce qui peut être. De là un pouvoir créateur. Nulle science ne connaît mieux la nature, car nulle science ne peut à un pareil degré façonner la matière, la modifier à son gré, lui donner des formes nouvelles et prévues. Aussi le nombre des espèces chimiques est considérable, et le nombre de celles qu’on peut produire et dont

  1. Pour avoir une idée frappante du chemin parcouru, il n’y aurait qu’à comparer d’une part le Dictionnaire de chimie de Macquer (1re éd., 1772) et la Chimie expérimentale et raisonnée de Baume avec le Dictionnaire de chimie de M. Wurtz (1868-1878) et le Traité de mécanique chimique de M. Berthelot (1879).