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historique à nous éclairer sur les principes de la science pédagogique ? Et cette méthode ne nous conduirait-elle pas plutôt à conclure qu’il est impossible d’assigner un but fixe à l’éducation, parce que ce but varie avec les temps, les milieux et la nature même de ceux qu’il s’agit d’élever ? À moins donc de limiter volontairement, comme l’a fait M. Bain, la théorie de l’éducation à celle du développement intellectuel et de l’acquisition des connaissances dans l’école proprement dite, une pédagogie historique est nécessairement réduite ou à hésiter toujours entre des principes différents, souvent même opposés, et à aller au hasard des uns aux autres, ou à les juxtaposer, sans parvenir à les concilier, dans un éclectisme incohérent et vague. Nous ne prétendons point que ce soit là le défaut de l’ouvrage de M. Compayré, si remarquable à tant d’égards : nous dirions au contraire qu’il l’a évité, autant que la nature du sujet qu’il traitait et de la méthode qu’il employait pouvait le permettre. L’exposition et l’histoire des doctrines n’y sont pas seulement d’une scrupuleuse fidélité : un art aimable les fait revivre avec leur physionomie et leur esprit même ; mais peut-être aussi souhaiterait-on à la fois plus de décision et de précision dans la critique. S’il est impossible de ne pas rendre justice à la sage modération et à la prudente impartialité de l’auteur, on craint presque que ces qualités précieuses n’aient été achetées au prix d’un peu d’originalité et de hardiesse. On croit remarquer, en tout cas, une incertitude au moins apparente et comme la difficulté de concilier tant de vues diverses, toutes les fois qu’il s’agit de prendre parti sur le fond des choses ; et quand on voit M. Compayré, dans sa conclusion finale, réduire la philosophie de l’éducation à l’énumération d’un certain nombre de principes pris de tous côtés dans les différents —systèmes, on se demande si, dans une science encore incomplètement constituée comme la pédagogie, il n’existe pas une sorte d’incompatibilité entre le rôle de l’historien et celui du critique.

II

Dans son Essai sur l’éducation, M. Herbert Spencer propose une classification des diverses formes de l’activité que M. Compayré a reproduite en la modifiant sur certains points. Le philosophe anglais distingue successivement la vie physique, la vie domestique, la vie sociale et enfin cette vie supérieure où l’individu charme ses loisirs par l’étude des lettres et des sciences et les jouissances des beaux-arts. L’éducation, qui selon lui a pour but de nous apprendre à vivre, doit nous préparer à exercer notre activité dans