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d. nolen. — la critique de kant et la religion

prasensible en général. La raison théorique est contrainte en effet d’admettre qu’il y a de tels objets (Dieu et l’âme), bien qu’elle ne puisse les déterminer avec plus de précision, ni étendre sous ce rapport notre connaissance de ces objets[1]. »

C’est contre cette association de la raison théorique et de la raison pratique qu’Arnoldt élève sa respectueuse, mais énergique protestation. L’entendement n’a aucune autre mesure de la réalité et de la possibilité que l’expérience. Or nous avons montré que l’expérience n’est favorable à aucune des hypothèses sur lesquelles reposent les postulats : à plus forte raison, est-elle muette sur les objets transcendants de ces postulats, Dieu et l’âme. Sans doute la raison théorique admet ces deux idées, mais à titre de principes purement régulatifs, qu’elle interdit rigoureusement de confondre avec des principes constitutifs. Ils nous servent à mettre l’ordre, l’unité dans nos connaissances, comme le principe de la finalité ; mais nous ignorons absolument s’ils répondent à une réalité en dehors de notre pensée. « L’homme ne saurait donc atteindre, en tant qu’il s’agit pour lui de la science des choses, à une certitude démontrable, même au plus bas degré, de l’immortalité de l’âme et de l’existence de Dieu, que si des raisons purement morales font naître en lui la croyance à l’immortalité et à Dieu, et sans doute par une autre voie que la précédente théorie du souverain bien. Il ne doit pour ces conceptions purement subjectives prétendre à aucune objectivité, c’est-à-dire à la nécessité, à l’universalité des vérités démontrables[2]. »

Cette foi subjective n’en répond pas moins à des dispositions qui se rencontrent dans la majorité des hommes : elle peut être analysée dans ses éléments essentiels avec une vérité relative, la seule que comporte l’étude de la sensibilité morale.

Kant s’est appliqué à démêler et à décrire les sentiments généraux qui provoquent et soutiennent dans le cœur humain la foi pratique à l’immortalité et à la Providence. Ses vues sur ce sujet ne se rencontrent pas, comme on serait tenté de le croire, dans les chapitres qu’il consacre à l’étude de l’idée du souverain bien ; il les expose incidemment, à propos des questions les plus diverses. Quant à l’expression particulière de sa foi personnelle en Dieu et l’immortalité, il lui a donné dans son livre sur la religion rationnelle une forme nouvelle, qui diffère assez sensiblement de ce qu’il en laissait entendre dans ses autres écrits, et qui en même temps s’accorde plus

  1. Kr. d. Urtheilskraft.
  2. Arnoldt, p. 20, Ueber Kant’s Idee vom höchtten Gut.