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sède la même réalité que nous accordons aux valeurs finies de la même espèce », parce que cette réalité de « l’infini comme donné ou présent dans les choses » ne pourrait signifier pour moi que la quantité infinie actuelle.

Je sens que je n’ai déjà été que trop long, tout en laissant de côté les points du débat qui n’ont pas directement rapport à la question de l’infini, la seule d’ailleurs sur laquelle j’eusse tout d’abord eu l’intention de pénétrer, avec le secours de M. Penjon, la pensée de l’un des plus illustres philosophes allemands nos contemporains. Je vais tâcher en terminant et en me résumant d’en resserrer les termes autant qu’il me paraît nécessaire de le faire si l’on veut continuer de les discuter utilement.

Je demande donc :

1° Si une bonne méthode philosophique souffre que le penseur se flatte de prendre son point de départ dans la « donnée d’une réalité », sans s’avouer en même temps que cette réalité ne peut être pour lui rien de plus qu’une conception : à savoir, en ce cas, une conception dont il estime l’objet conforme à une réalité donnée en dehors de ses idées propres et indépendamment d’elles ;

2° Si de cette subordination méthodique de la réalité donnée à la conception de la réalité donnée, il ne résulte pas pour le penseur une obligation très claire de soumettre sa conception de la réalité aux lois et conditions de son entendement, par lequel il faut ainsi que tout passe : de son entendement, agent unique et responsable de toute construction qui va au delà des données pures et particulières de l’expérience.

3° Enfin, si en posant à titre prétendu de « donnée d’une réalité » une synthèse de choses quelconques qu’on déclare tout à la fois pouvoir être achevée et en acte, et présenter à l’analyse des éléments de composition distincts dont nulle énumération en puissance n’est apte à pouvoir atteindre la fin, on ne construit pas la conception contradictoire en soi d’une synthèse qui n’est pas une synthèse ; si par conséquent on ne viole pas la première des lois de l’entendement sur lesquelles toutes nos conceptions doivent se régler.

Renouvier.