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L’ESTHÉTIQUE MUSICALE EN FRANCE


ÉTENDUE ET LIMITES PSYCHOLOGIQUES DE L’EXPRESSION INSTRUMENTALE.

VI. — Psychologie du quatuor[1].

L’analyse psychologique a depuis longtemps constaté, et elle fait voir de nos jours mieux que jamais que la musique peut plaire par elle-même, indépendamment et même en l’absence d’un sujet exprime. La sensibilité musicale, en effet, a deux formes distinctes. La première, qu’il faut nommer sens musical, parce qu’elle se limite aux impressions du sens auditif, de l’oreille, nous fait éprouver plaisir ou peine, caresse ou blessure, rien qu’à cause des sons entendus, quelle qu’en soit la signification et lors même qu’ils n’en ont aucune. La seconde, qui doit être appelée sentiment musical, parce que à la sensibilité de l’oreille elle ajoute la sensibilité morale, nous fait éprouver joie ou tristesse à cause de l’élément psychologique, de l’état d’âme qu’expriment les sons.

La musique complète satisfait à la fois le sens musical et le sentiment musical. Nous avons montré par des analyses antérieures que la musique instrumentale dans la symphonie s’adresse à ces deux sensibilités et les contente l’une et l’autre. Mais, de plus, nous nous sommes appliqué à prouver que, lorsque des paroles, ou seulement quelques indications verbales, ou un titre juste, ou un programme discret, éclairent la signification de la symphonie, l’imagination, par là éveillée et secondée, interprète mieux la musique et en rend le charme plus pénétrant, parce que le sentiment de l’auditeur a un objet moins vague, plus précis, plus vivant et plus intéressant. Nous avons maintenant à rechercher s’il en est de même pour les autres variétés de la musique instrumentale.

La musique de chambre a pour forme principale le quatuor, dont le trio, le quintette, le sextuor, le septuor, l’octuor, le concerto, la sonate ne sont que les formes dérivées, les unes par amplification,

  1. Voir les précédents articles dans la Revue philosophique, tomes XIII, 1 ; — XIII, 256 ; — XV, 1 ; — XVI, 1 ; — XVII, 36.