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senter une analyse étendue. L’illustre auteur ne surfait point les mérites de la rhétorique, mais il en défend l’utilité, avec de bonnes raisons, contre ceux qui la méprisent. Elle n’apporte pas l’invention, nous dit-il, mais la correction ; elle nous enseigne à connaître les défauts dont il est possible de se corriger, et à sentir ce qu’il y a d’excellent dans une œuvre littéraire. Elle n’est pas, du reste, sans rendre service à l’invention proprement dite : à peu près comme la logique contribue à l’art de la découverte. « Toute critique juste, en nous aidant à rejeter ce qui est mauvais, nous oblige à une recherche nouvelle de ce qui est bon. Et ce n’est pas tout. En prenant une vue large et systématique des possibilités du style, la rhétorique nous empêche de négliger les moyens d’effets valables et appelle notre attention sur des coins encore inoccupés du champ littéraire. »

L’ouvrage est distribué dans les parties suivantes : classification des émotions, communes à la poésie et aux beaux-arts ; moyens des qualités émotionnelles, ou conditions de l’œuvre d’art (force représentative, objectivité, personnification, idéalité, nouveauté, etc.) ; qualités elles-mêmes (force, beauté, sentiment, humour, etc.). On remarquera la prééminence donnée au couple contrastant : amour-malveillance. M. Bain nous offre des exemples curieux de la force bienfaisante et malfaisante, du sentiment bienveillant et malveillant, etc. Ce simple traité nous offre ainsi des renseignements précieux sur l’histoire littéraire, sur le caractère des poètes et le génie des littératures ; il nous fait connaître en même temps les émotions dans leurs infinies nuances. Il sera grandement utile à quiconque s’inquiète de l’art d’écrire, et la haute qualité psychologique en augmentera encore la valeur d’usage.

Lucien Arréat

Nous apprenons, au moment de mettre sous presse, la mort subite de notre regretté collaborateur, M. L. Carrau.