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société de psychologie physiologique

loppée sur l’hémisphère droit que sur le gauche. Bertillon se serait donc trouvé ainsi parler avec celui de ses hémisphères qui, précisément, devint sourd. Une telle condition peut être considérée comme désavantageuse et suffirait à expliquer la difficulté que l’illustre démographe éprouvait à s’exprimer oralement. Voilà donc une première question dans laquelle on trouve un accord assez curieux entre les renseignements physiologiques et les faits anatomiques.

B. — Puisque l’hémisphère droit était sourd chez Bertillon, il est à présumer que celui-ci, par ce côté au moins de son cerveau, ne pouvait pas être un auditif et devait être essentiellement un visuel. Dans cette hypothèse incontestablement autorisée, le centre visuel devait être plus développé sur l’hémisphère sourd. Or il est encore intéressant de constater que la région du pli courbe était beaucoup plus développée sur l’hémisphère droit que sur le gauche, ainsi qu’on peut le voir facilement en comparant les deux figures ci-dessus.

Le reste du lobe pariétal est au contraire plus développé sur l’hémisphère gauche que sur le droit.

C. Il est une circonvolution qui est médiocrement large sur l’hémisphère sourd, tandis qu’elle présente, sur l’hémisphère gauche, un développement extraordinaire : c’est la pariétale ascendante P. Cette différence est encore on ne peut plus apparente sur les figures ci-dessus. Il est rationnel de l’attribuer, d’après les fonctions reconnues à la circonvolution pariétale ascendante, à la liaison qui doit exister entre les incitations psycho-motrices des membres et les phénomènes idéo-sensoriels d’origine auditive.

En somme, les trois grandes différences anatomiques que je viens de signaler paraissent concorder avec les données encore bien rudimentaires de la physiologie en matière de localisation cérébrale. Aucune autre différence entre les deux hémisphères ne m’a paru intéressante pour le moment. Mais l’intérêt de celles qui ont été étudiées dans le présent travail ne sera pas méconnu et l’on saura gré à la mémoire d’Adolphe Bertillon de la noble intention qu’il a eue en léguant son cerveau à la Société mutuelle d’autopsie, en même temps que l’on souhaitera de voir d’autres hommes éminents suivre cet exemple. C’est à très petits pas que la science progresse, et un tout petit pas ajouté à beaucoup d’autres peut suffire à un moment donné pour la découverte d’un vaste horizon. Je dois donc saisir la modeste occasion qui se présente de prêcher l’extension des autopsies d’honneur et de renouveler le vœu que je formai en terminant un travail antérieur sur la comparaison des cerveaux de Gambetta et de Bertillon au point de vue de la forme générale[1], à savoir que le legs d’un cerveau devrait être accompagnée, de la part du testateur, du plus grand nombre possible de renseignements sur les particularités physiologiques que celui-ci peut présenter.

  1. Société de psychol. physiol., Revue philosophique, 1887.