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esprit borné[1] ». La méditation et l’effort ont accompagné toutes les grandes découvertes. Sans doute, par sa spontanéité, le génie se dérobe au travail obstiné des esprits médiocres : il peut se refuser à la longue patience du talent même avec lequel Voltaire voulait le confondre[2]. Mais il n’est pas non plus un instinct. Au contraire, dès sa naissance, le génie manifeste une raison supérieure et répand sur toutes choses un éclat imprévu. Le génie, c’est l’esprit de lumière. Toute âme, disait Leibniz, voit l’infini, mais confusément. L’homme de génie est celui qui a pu dissiper la confusion qui voile à nos yeux la réalité, qui a élargi sa sphère intérieure jusqu’à permettre à son esprit d’embrasser l’infini. C’est le « Voyant » [3]. Parfois il peut être lui-même aveuglé par la clarté excessive de sa propre vision. Mais le génie lui-même s’accompagne de splendeur. « Le soleil illumine les collines quand il est encore au-dessous de l’horizon[4]. » Les hommes où l’humanité voit « sa propre image glorifiée » ont été les premiers portés jusqu’aux hauts sommets et, les premiers, ils ont été éblouis des rayons qui luiront plus tard sur la plaine. Le génie véritablement humain est inséparable de la conscience et de la pensée.

Fr. Colonna d’Istria.

  1. Colsenet, la Vie inconsciente de l’esprit.
  2. Voltaire, Dictionnaire philosophique, article Génie.
  3. Carlyle, les Héros et le Culte de l’antiquité dans l’histoire.
  4. Macaulay, Mélanges