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ANALYSES. j. serre. À la découverte du vrai.

à ses descendants. M. Régis l’admet, mais pourquoi ne fait-il pas rentrer la folie systématisée dans les aliénations constitutionnelles ? Y a-t-il vraiment quelque chose d’aussi profond, d’aussi intime que ce trouble mental du persécuté dont l’intelligence voit tout sous un faux jour obstiné(Verrücktheit des Allemands) ? C’est là un délire intellectuel primitif systématisé qui ne peut naître que sur un « terrain » constitutionnellement, organiquement mal formé. À ce propos, nous ferons observer que la classification de M. Régis ne tient pas assez compte du côté psychologique de la folie. Je sais très bien qu’il y a déjà longtemps on a abusé de la psychologie. Mais c’était alors une psychologie peu positive et insuffisante et de plus c’est peut-être cette dernière science qui sera appelée à tirer profit de l’aliénation plutôt que l’aliénation de la psychologie. Cela n’empêche qu’il ÿ aurait intérêt à pénétrer psychologiquement dans l’esprit de l’aliéné, même pour la classification, comme le montrent les tendances actuelles des Italiens, des Allemands (entre autres Griesinger, qu’il faut toujours relire) et de quelques Français (Cotard, Séglas).

Nous aurions aimé, à ce point de vue, voir opposer la folie avec conscience, d’une façon spéciale, aux formes ordinaires. Le nom de neurasthénie me paraît bien choisi pour marquer un caractère important de cette classe de troubles, comme le fait, d’ailleurs, aussi Krafft-Ebing.

En résumé, le principal reproche que nous aurions à faire à cette tentative intéressante est d’avoir mal classé la folie systématisée dont les formes sont peut-être plus nombreuses que ne l’admet M. Régis. Nous ne sommes pas très bien fixés non plus sur la valeur des états dits secondaires et sur la place qu’ils devraient occuper. Quoi qu’il en soit, nous avouerons que, tout en ne trouvant pas mauvaise cette classification, nous en préférerions d’autres, en particulier celle de Morselli, plus complète et qui tient plus compte d’autres formes de troubles mentaux que M. Régis n’a même pas mentionnés (Paranoïa secondaria, etc.). La voie à suivre, à peine tracée à cause de l’insuffisance de nos connaissances anatomiques et physiologiques, est la combinaison de la recherche du point de départ psychologique du trouble mental (Cotard) avec la recherche du trouble existant dans le développement ou le fonctionnement du système nerveux. M. Régis s’est plutôt tenu sur le terrain exclusivement clinique, nous voulons dire par là qu’il s’est contenté d’une psychologie morbide un peu trop élémentaire. Telle qu’elle est, sa tentative est honorable, mais nous sommes évidemment encore bien loin d’une classification anatomo-psychologique. Y atteindrons-nous jamais ?

P. C.

Joseph Serre. À la découverte du vrai, voie nouvelle. In-8o, vi-141 p. Lyon, Côte ; Paris, Chapelliez, 1889.

Au milieu du désarroi des croyances philosophiques et religieuses,