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EVELLIN.possibilité d’une méthode

pour l’unité absolue, le polydynamisme, pour la pluralité nécessaire de l’être ou de l’action.

Peut-être une telle simplification paraîtra-t-elle d’abord hardie jusqu’au paradoxe. Nous sommes néanmoins persuadé qu’elle n’aura contre elle que les esprits à qui manque le sens des analogies profondes, et qui, peu soucieux des grandes lignes, n’ont d’yeux et d’attention que pour le détail.

Selon les temps les milieux et les conceptions individuelles, monisme et polydynamisme prennent des aspects et des noms divers. Le philosophe ne s’y trompe pas et les reconnaît sans peine sous les dehors qui les dissimulent et en imposent parfois aux critiques superficiels.

Mais, s’il est vrai que ces deux doctrines résument et absorbent toutes les autres, que faire, objectera-t-on, de systèmes aussi connus que l’empirisme, le rationalisme, le phénoménisme, le scepticisme, le matérialisme, qui ont eu et qui ont toujours leurs adeptes ? Est-il permis de les supprimer d’un trait de plume ?

Notre réponse sera bien simple :

Ce n’est que par la plus grave et la moins excusable des confusions que ces systèmes seraient érigés en rivaux des deux grandes conceptions qui se partagent la métaphysique, et qu’on les placerait avec elles sur le même plan. Et d’abord, est-il besoin de le faire remarquer, le rationalisme et l’empirisme sont orientés vers un ordre de questions tout à fait différent du nôtre, puisqu’ils se rattachent au problème tout psychologique de la connaissance. Quant au phénoménisme et au scepticisme, ils sont exclus d’avance et comme préventivement de la métaphysique ; dès qu’elle est parvenue à se poser, ils s’éliminent d’eux-mêmes et disparaissent. Leur place est au seuil des spéculations sur le réel, et ils n’ont droit de s’y montrer qu’au moment où l’existence de l’être fait encore doute. L’être admis, où serait leur raison d’être ? C’est à d’autres doctrines de se produire et de nous éclairer, si elles le peuvent, sur sa nature et ses attributs.

Ainsi, dans ce progrès régulier, le champ des possibilités se restreint sans cesse, et comme il est naturel, le nombre des systèmes diminue à chaque pas.

Un système toutefois paraît d’abord réfractaire à la simplification qu’on propose. Le matérialisme, il faut bien le reconnaître, est une doctrine métaphysique, puisque l’être y est défini par les qualités sensibles, et cependant comment nier son influence sur les esprits, sa popularité et sa longue fortune dans l’histoire ? On le voit, à certaines époques, régner presque sans conteste, et s’il ne paraît pas