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analyses. — h. vaihinger. Naturforschung und Schule, etc.

auraient également fait usage. Or, que nous dit Comte ? « L’éducation de l’individu, écrit-il, doit essentiellement reproduire celle de l’espèce, au moins dans chacune de ses grandes phases successives. » Et il entendait par là que chacun de nous regarde successivement le monde avec les yeux du théologien, du métaphysicien, du positiviste, de même que l’humanité a passé par les deux âges théologique et métaphysique, avant de venir à son âge positif. Mais cette proposition fameuse, on le remarquera sans peine, vise seulement une évolution de l’état mental, considéré comme la résultante des acquisitions, par la vie ou par l’école, de chaque individu. Peu importe ici la valeur des « trois états » assignés par Comte à cette évolution. La règle pratique à tirer de la loi comtienne concernerait, en tous cas, la méthode et l’esprit de l’enseignement, plus que sa matière. M. Vaihinger me semble, au contraire, considérer moins les méthodes que les programmes. Son principe ne signifie pas une répétition d’états psychiques très généraux, dépendant en partie du développement même de l’organe cérébral ; il signifierait peut-être une telle reviviscence du passé par le détail, que chacun de nous serait, pour ainsi dire, le Grec des temps homériques, le Romain du siècle d’Auguste et le chrétien du moyen âge, avant d’être l’homme d’un âge scientifique et l’Européen du xixe siècle.

Ce principe supposé accepté, le gymnase et le lycée ne devraient pas demeurer, du reste, ce qu’ils sont. Borner toute la vie du passé à la culture gréco-latine et au christianisme, c’est d’abord un peu court. Puis, il n’est pas si exact d’affirmer que l’enfant ait la plus facile intelligence des contes homériques ou des histoires de Tite-Live, et qu’il entre tout naturellement « dans la peau » des vieux héros ; il simplifie, bien plutôt, les vieilles histoires ; il les met à son point, et cela doit être, vu la difficulté où nous sommes tous de comprendre les conditions sociales des temps antiques, pour lesquels il nous manque cette expérience de tous les jours que l’enfant acquiert déjà sur les hommes et les choses qui l’entourent. C’est une erreur, enfin, de prendre en bloc la culture grecque, par exemple, laquelle dépasse certainement, avec Aristote et Archimède, les débuts de l’âge chrétien, et la loi de répétition progressive s’appliquerait mieux à revivre ensemble tous les âges vraiment homochroniques au point de vue de la civilisation.

Il y aurait là sujet à des remarques intéressantes, qu’il ne m’appartient pas d’exposer ici. Nous devons simplement dire, sans recourir à aucune loi biologique dont on s’expose à fausser le sens et à exagérer la portée, que la connaissance de l’antiquité grecque et latine importe toujours dans le haut enseignement, et qu’elle est nécessaire à l’intelligence de nos civilisations, qui en sont venues et s’en inspirent sans cesse. Reste alors à débattre ce qui est proprement la question du latin, à savoir si l’étude des langues mortes est indispensable à la connaissance générale des sociétés où elles étaient parlées. On arrive ainsi aux questions de pédagogie pratique, et il s’agit de s’entendre sur les différences de l’enseignement général et spécial, sur les sacrifices à