Page:Revue philosophique de la France et de l’étranger, tome XXVIII, 1889.djvu/238

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
228
revue philosophique

à la représentation de ses œuvres. Il est comme la branche terminale de l’arbre, la forme dernière et définitive de l’art.

Tel est le système aujourd’hui généralement admis par les esthéticiens des diverses écoles pour la division des beaux-arts[1].

D’autres arts y ont, sans doute, aussi leur place, mais simplement comme accessoires ou auxiliaires, ou mixtes : l’art des jardins, la gravure, la ciselure, les arts décoratifs, la mimique elle-même, dont nous avons à nous occuper.

L’art oratoire, souvent classé parmi les beaux-arts, n’a pu se maintenir dans ce cercle. Tout au plus une position limitrophe a dû lui être assignée. L’éloquence est un grand art sans doute ; on ne peut être un vrai orateur sans être doué d’une imagination vive et puissante ; mais l’objet de cet art n’est pas le beau. Le beau n’y est qu’un moyen ; le but c’est l’utile, le vrai bien, le juste. L’essentiel n’est pas de plaire, mais de convaincre et de persuader.

Parmi les moyens que l’orateur emploie, il en est, et ce sont les premiers, les plus puissants, la logique et la dialectique, l’art même de grouper les chiffres, qui sont d’une nature tout à fait prosaïque. L’orateur est, si l’on veut, poète à sa façon, mais ce n’est pas ce qui le fait orateur ; il n’est pas au sens rigoureux un artiste.

Ce système toutefois n’a pas échappé à la critique. On lui a reproché de manquer de parallélisme et de symétrie. Le premier des deux groupes, en effet (architecture, sculpture, peinture), a trois membres ; le second (la musique et la poésie) n’en a que deux. De plus, la transition de l’un à l’autre ne semble pas bien marquée. Le trait d’union qui doit relier les deux séries fait défaut. Il y a là une lacune qu’il serait désirable de voir combler.

N’y aurait-il pas un intermédiaire capable d’opérer la transition, à la fois figuré et non figuré, simultané et successif, immobile et mobile, et qui serait ce trait d’union ?

  1. Ce système, on doit le remarquer, laisse subsister l’unité de l’art ; c’est un véritable organisme. Chaque membre, par conséquent, y conserve avec son rôle propre sa supériorité relative et son indépendance. La hiérarchie ne détruit pas l’égalité. Ainsi, que l’architecture soit placée au premier degré, cela ne diminue ni son importance ni sa digaité. Elle n’a pas moins ses conditions propres qui lu relèvent et à certains égards lui donnent la supériorité. Obligée de remuer des masses pesantes, de se conformer à la destination des édifices, de s’accommoder au terrain, au climat, etc., elle emprunte à la science ses règles et ses lois ; elle a pour elle l’importante majesté de ses monuments, leur durée, les souvenirs qu’elle éveille. La sculpture, par cela même qu’elle est renfermée dans des limites étroites, obligée de décorer des édifices, a des difficultés d’autant plus grandes à résoudre. Le génie y peut être égal à tout autre génie. Il en est de méme du peintre, du musicien, du poète. La comparaison ne peut s’établir là où les aspects sont si différents.