Page:Revue philosophique de la France et de l’étranger, tome XXVIII, 1889.djvu/239

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
229
BÉNARD.la mimique dans le système des beaux-arts

C’est le problème que la science a dû chercher à résoudre et dont on a cru, en effet, avoir trouvé la solution.

Le but serait atteint, dit-on, si, parmi les arts considérés jusqu’ici comme accessoires, mixtes, auxiliaires et subordonné, il en est un qui n’ait pas été estimé à sa juste valeur et dont le propre soit précisément de combler le vide entre les deux groupes ou séries. Cet art, c’est la mimique, art généralement classé par les théoriciens de l’art parmi les autres arts comme simple auxiliaire, en particulier de la musique, de Part théâtral et de l’art oratoire. À ce titre, les esthéticiens des diverses écoles l’ont relégué à un rang inférieur, comme ayant un rôle mixte et subordonné. Selon eux, il ne doit nullement figurer dans la catégorie des arts principaux, libres et indépendants. Il s’agit de le réintégrer, de lui rendre la place et le rang qui lui appartiennent. Lui seul peut rétablir la symétrie et compléter le système.

Cette conception n’est pas nouvelle. En Allemagne, plusieurs esthéticiens distingués : Fr. Thiersch, Krüge, Krause, Köstlin, etc., avaient déjà attribué ce rôle à la mimique, comme art intermédiaire, sans s’expliquer assez clairement ni suffisamment justifier ce rôle[1]. En France, parmi les écrivains célèbres qui ont traité de l’art philosophiquement on pourrait citer Lamennais qui émet, dans sa Philosophie de l’art (ch.  vi), la même opinion. D’autres[2], sans se prononcer aussi nettement, paraissent se ranger de cet avis.

Pour nous, nous le disons nettement d’avance : l’opinion ancienne et commune reste aussi la nôtre. Nous persistons à regarder la mimique comme un art secondaire, n’ayant d’importance véritable que comme auxiliaire des autres arts, de l’art théâtral, de la musique, etc. À ce titre, elle rend de grands services et leur est même nécessaire ou indispensable ; mais elle ne peut prendre rang parmi les beaux-arts comme art principal, libre et indépendant ; ou alors sa place est très inférieure dans l’échelle des arts.

La question à laquelle les tendances de l’art dramatique ne sont pas sans prêter un caractère d’actualité, mérite d’être approfondie et discutée. Nous l’essayerons dans cette étude. Elle nous fournira l’occasion de mettre en relief la nature de cet art, la mimique, de marquer son étendue et ses limites, de faire ressortir ses avantages et ses défauts. On verra par là pourquoi et comment il ne saurait

  1. Il faut y ajouter M. Schasler qui, dans son Histoire de l’esthétique et dans un écrit spécial (System der Künste, 1882), soutient avec conviction cette thèse et dont nous aurons à apprécier les raisons.
  2. Ch. Lévêque, la Science du Beau, 3e partie, ch.  v, 202, 2e édit. — Sully Prudhomme, De l’expression dans les beaux-arts.