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que recèle cet organisme et qui en meut tous les ressorts. Ce qui est vrai du corps entier l’est aussi de toutes ses parties. Chacune d’elles, la tête et le visage, les bras, les mains, a sa note et joue son rôle dans ce concert qui s’exécute pour les yeux.

Mais ce qui est à remarquer, c’est la part que prend ici la main. La main, chez l’homme, détachée du corps, libre de se mouvoir en tout sens, accomplit en particulier une fonction qui lui est propre. Spécialement chargée d’indiquer et de transmettre les ordres de la volonté, il lui est donné de figurer ou de tracer dans l’espace des signes représentatifs des idées. C’est par là qu’elle est un des plus puissants moyens d’expression que possède la mimique. À elle appartient le geste ou le langage d’action proprement dit. La main, cet instrument des instruments, ὄργανον, ὄργανων, comme l’appelle Aristote ; la main, l’ouvrière de tous les arts, omnium artium ministra, selon Cicéron, a ici une autre fonction par où elle tient de plus près à l’intelligence et prend part à la vie spirituelle. Associée à tous les actes de l’esprit, à toutes ses déterminations, elle les indique, les exprime et les transmet.

Tout le corps lui-même paraît comme s’y informer et s’y figurer : gestus est conformatio quædam et figura totius corporis. (Cic., de Orat., III.) Tous les mouvements, en effet, de la passion, tous les actes de la pensée, toutes les déterminations de la volonté ont, dans le geste qui les traduit et les rend comme visibles à l’œil, un interprète capable de les exprimer dans leurs formes et leurs modes les plus variés, avec le degré d’intensité, de vivacité, de profondeur qui les caractérise et les particularise. Il semble que l’esprit se projette au dehors pour dire et signifier tout ce qu’il sent, pense et veut à l’intérieur.

« La main commande impérieusement. Elle intercède ; elle supplie. La main sait bénir et jeter la malédiction. La main désapprouve ; elle applaudit ; elle lance l’injure et la menace. Elle se retire dédaigneusement devant un objet méprisable ; elle se montre affectueuse en allant au-devant d’un ami. La main appelle ou renvoie. Elle affirme et dénie. Elle interpelle ; elle écoute ; elle s’impatiente. La main exprime l’étonnement, l’admiration, la crainte, la colère, la haine. En un mot elle met en action l’expression du visage. » (Delestre, de la Physiognomonie, p. 325.)

Ceci est la mimique naturelle ; comment devient-elle artificielle ? Comment est-elle un art qui peut prendre sa place parmi les beaux-arts ? Ce point, pour nous capital, doit être précisé.

Chacun sait que ce qui d’abord est instinctif et spontané se fait ensuite intentionnellement et avec réflexion ; il est en notre pouvoir