Page:Revue philosophique de la France et de l’étranger, tome XXVIII, 1889.djvu/246

La bibliothèque libre.
Cette page n’a pas encore été corrigée
236
revue philosophique

3o Mais l’œuvre de la mimique n’est complète que lorsqu’à cet art, la pantomime, s’ajoute un autre art, qui, lui-même, n’est qu’une forme et une espèce de la mimique, l’art chorégraphique ou la danse.

Celle-ci, la danse, se compose d’un ensemble de mouvements figurés et rythmés, comme la définit très bien Aristote, σχηματιζομενῶν ῥυθμῶν (Poét., I). Elle offre aux regards des formes élégantes et gracieuses, ou elle exprime des caractères, des actions, des sentiments, des passions. Dans son mode le plus simple, son but est de donner en spectacle le corps humain non comme le fait la statuaire en repos ou immobile, mais mis en mouvement, exécutant des mouvements variés, harmonieux, rythmés et cadencés, combinés avec les sons de la musique qui les accompagne et les régularise, en marque le temps et la mesure, en redouble et renforce les effets, comme elle y ajoute les siens et sa puissance d’expression ; elle s’adresse à la fois aux deux sens capables de percevoir l’harmonie, la vue et l’ouïe, affectés surtout à la vie spirituelle.

Nous n’insistons pas sur les formes diverses ou les variétés que cet art lui-même peut nous offrir. Ces mouvements eux-mêmes auxquels s’ajoutent les gestes, les attitudes du corps, le jeu de la physionomie, les regards, les airs du visage, etc., peuvent prendre une expression beaucoup plus vive, plus pathétique, avoir une vertu plus significative. On sait tout ce que la danse est capable de représenter et d’exprimer surtout combinée avec la pantomime et renforcée par la musique. Elle peut être ainsi non seulement pathétique, expressive, mais symbolique, représenter elle-même des actions, des situations, des caractères, symboliser des idées et les dramatiser. La danse symbolique avec ses divers genres, tels que les anciens surtout les ont connus, la danse religieuse elle-même si variée, la danse guerrière, orgiastique, voluptueuse ou divertissante, la danse nationale, expriment les mœurs, les caractères, les usages et l’histoire entière des différents peuples. Envisagée simplement comme art du beau et divertissement, la danse alliée à la pantomime réunit tous ces signes et les fait concourir à la représentation théâtrale ; elle crée une œuvre d’art, dont la forme plus complète et la plus parfaite, le ballet pantomimique, marque le point culminant de cet art.

La mimique, jusqu’ici, est considérée comme art indépendant ; on vient de donner une idée de ses formes. Par son alliance avec d’autres arts dont elle devient l’auxiliaire et auxquels elle est subordonnée, elle étend encore son domaine au delà de ses propres limites. Par là son importance, loin de diminuer, ne fait que s’accroître. Elle s’enrichit en s’alliant aux arts pour lesquels elle est non seulement d’un utile secours, mais on peut dire nécessaire.