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et la mimique ou la danse ; mais celle-ci n’est pas moins considérée comme un art principal, nullement auxiliaire, et subordonné.

Ailleurs, Platon énumère les différentes espèces de danse. Il rejette et proscrit la danse voluptueuse ; mais il conserve la danse sévère et noble, gracieuse imitation selon lui d’un beau corps, expression des sentiments d’une âme bien réglée.

Aristote, qui donne aussi à la musique une si grande place dans son plan d’éducation (Polit., VII), ne paraît pas aussi favorable à la danse. Du moins il en parle peu. Mais dans sa Poétique elle figure parmi les autres arts, comme art d’imitation, joignant au rythme la pantomime. Ailleurs il l’assimile aux autres arts ; comme eux elle imite les objets ou plus grands, ou plus beaux, ou moins beaux, ou tels qu’ils sont. (Poétique, II, §  3.)

Si, des anciens, nous passons aux modernes, on ne s’étonnera pas de trouver, parmi les panégyristes de cet art, quelques-uns de ses représentants, artistes eux-mêmes, qui s’y sont rendus célèbres comme compositeurs et ont essayé d’en donner la théorie et d’en poser les règles, de même que l’on conpose une poétique pour la poésie, une rhétorique pour l’éloquence et l’art oratoire.

Parmi les auteurs qui ont entrepris cette œuvre et ont consigné ces règles dans leurs écrits, il convient de distinguer surtout Noverre, l’artiste et le compositeur le plus renommé, auteur de chefs-d’œuvre en ce genre à la fin du dernier siècle, l’ordonnateur des fêtes du Petit-Trianon, compositeur de ballets, de Gluck et de Piccini. Il a laissé sur son art un traité curieux[1] où le talent littéraire ne fait pas défaut ; il s’y révèle même, on peut le dire, un certain esprit philosophique qui fait honneur à l’esthéticien de la danse.

L’ouvrage, à tous ces titres, mérite de fixer l’attention. L’auteur y soutient précisément cette thèse que l’art chorégraphique a le droit d’être mis au rang des arts principaux, et cela aux mêmes titres, et par les mêmes motifs. En particulier, on le compare à la peinture et à la poésie. Il est curieux de voir ses raisons et comment il s’exprime à ce sujet.

« La danse est une véritable peinture animée ; elle est de plus un véritable drame capable de représenter ou d’exprimer tout ce que le drame et la peinture représentent aux yeux et à l’ouïe parle dessin, les couleurs ou par la parole : les actions et les passions, les sentiments et les mouvements de l’âme, les idées, etc., etc. Elle est soumise, de plus, aux mêmes règles que les autres arts et elle doit en

  1. Lettres sur les arts imitateurs, sur la Danse en particulier, par Noverre, pensionnaire du Roi et maître des ballets de l’Empereur, 1782, n° 1, in-8o. Paris.