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BÉNARD.la mimique dans le système des beaux-arts

remplir les conditions. Le ballet pantomimique, tel qu’il doit être conçu et exécuté, doit recevoir toutes les parties de l’action dramatique. » Ainsi compris et réalisé, cet art a la dignité des autres arts. Mais il doit être purifié de ses accessoires qui lui sont étrangers, dont l’alliance le compromet, qui le gâtent et le corrompent, en font un pur divertissement, ou un danger pour les mœurs, un instrument de volupté, ou un agent de corruption chez les peuples civilisés.

Sa définition du ballet est à remarquer : « Le ballet est un tableau ou plutôt une suite de tableaux liés entre eux par l’action qui fait le sujet du ballet. La scène est, pour ainsi dire, la toile sur laquelle le compositeur rend ses idées ; le choix de la musique, la décoration, le costume en sont le coloris ; le compositeur est le peintre. Si la nature lui a donné ce feu, cet enthousiasme, âme de tous les arts imitateurs, l’immortalité ne peut-elle pas lui être assurée ? »

Le ballet est lié essentiellement à la pantomime. Celle-ci en fait partie intégrante, et c’est par elle surtout qu’il produit ses effets.

« Le ballet bien composé est une peinture vivante des passions, des mœurs, des usages, des cérémonies et des costumes de tous les peuples de la terre. Conséquemment il doit être pantomime dans tous les genres et parler à l’âme par les yeux. Est-il dénué d’expression, de tableaux frappants, de situations fortes, il n offre plus alors qu’un spectacle froid et monotone. — Les ballets étant des représentations, ils doivent réunir toutes les parties d’un drame. Les sujets que l’on traite en danse sont, pour la plupart, vides de sens et n’offrent qu’un amas confus de scènes aussi mal Cousues que désagréablement conduites. »

La conclusion est que la danse, grâce à la pantomime, peut rivaliser avec la peinture et avec la poésie.

La mimique est aussi une langue. Elle à son vocabulaire et son dictionnaire ; elle a sa grammaire. « Qu’un homme de génie arrange les lettres (de cet alphabet), elle cessera d’être muette. Elle parlera avec autant de force et d’énergie (que la poésie}), et les ballets alors partageront avec les meilleures pièces du théâtre la gloire de toucher, d’attendrir, de faire couler les larmes, d’imiter, de séduire et de plaire, dans les genres moins sérieux. La danse, embellie par le sentiment et conduite par le talent, recevra enfin, avec les éloges et les applaudissements que toute l’Europe accorde à la poésie et à la peinture, les récompenses glorieuses dont on les honore[1]. » (Ibid., p. 23.)

Les historiens de la danse ne sont pas moins favorables que les

  1. Nou savons cité ces passages, parce que c’est ce qui a été dit de plus clair et de plus convaincu en faveur de la danse ou de la mimique comme devant être placées au premier rang parmi les arts, à côté de la peinture et de la poésie.