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BÉNARD.la mimique dans le système des beaux-arts

presque ridicule. Soit. Mais Socrate le dit lui-même : le beau, le côté esthétique n’y était pour rien ; c’était pour lui une façon de gymnastique qui lui semblait propre à entretenir la santé et à conserver de la souplesse aux membres.

Quant à Platon, qui donne à la danse une place si élevée dans l’éducation, qu’il associe au chant dans les fêtes publiques, c’est de la pédagogie, non de l’art proprement dit avant pour objet spécial le beau, quoique pour un Grec le beau y soit compris. (Lois, II. VII.) Mais on sait à quelles règles sévères cet art chez lui est soumis, comment il traite (ibid.) la danse voluptueuse. Si le moraliste qui va jusqu’à bannir les poètes de la République (liv.  IV} nous semble injuste envers Homère, Hésiode, Eschyle et les autres poètes, ce n’est pas qu’il soit plus tolérant à l’égard des virtuoses de l’art chorégraphique.

On comprendrait mal que la joueuse de flûte fût renvoyée à la fin du banquet (Symp.), si les danseurs et les danseuses devaient y rester. Aristote, que Noverre invoque dans sa Poétique de la danse, ne paraît pas se soucier de l’introduire dans son plan d’éducation. (Polit., VIII.) Elle y est au moins oubliée. Quant à Lucien, on n’a qu’à compter et peser les arguments de son panégyrique, on verra que tous s’appliquent à la danse ancienne, la danse symbolique, religieuse ou mythologique, guerrière ou gymnastique. Autrement eût-il exigé de son parfait danseur des conditions de son art que nous trouvons si exorbitantes ? Pourquoi cette vaste érudition et connaissance des mythes, de l’histoire et du caractère des peuples, etc. ? C’est sans doute que la mimique ou la pantomime doit représenter les fables, les mœurs, etc., qu’elle est purement allégorique.

On raconte avec complaisance les merveilles de la pantomime à Rome. On sait en effet que les Romains furent passionnés pour ce genre de spectacle. Faut-il les en féliciter ? Qui ne voit que c’est affaiblir la thèse au lieu de la corroborer ? Ce peuple qui, quoique ayant reçu son éducation des Grecs, ne sut jamais bien goûter les œuvres de l’esprit, dut, en particulier dans les représentations théâtrales, préférer à ce qui en est le fond et le véritable intérêt, ce qui s’adresse aux yeux et en est la partie extérieure et grossière, surtout ce qui éveille les émotions fortes et les passions sensuelles.

L’enthousiasme qu’excitaient ces sortes de spectacles où figuraient comme acteurs les sénateurs et les empereurs, où Caligula et Néron se faisaient histrions, est un pauvre argument en faveur de la thèse. Mais dans les temps de Rome ancienne, de la vraie Rome, où l’on avait souci de la dignité romaine, il en fut autrement. La