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BÉNARD.la mimique dans le système des beaux-arts

Il y a plus, il se peut qu’entendue ainsi, il lui soit donné, sinon de combler le vide que l’on regrette, de servir de trait d’union entre les deux séries des arts, des arts figuratifs et des arts figurés qui se servent des sons, et cela par la raison qui a été dite. Cet art, la mimique, en effet a la propriété de s’exercer à la fois dans l’espace et dans le temps, d’être simultané et successif, d’offrir aux yeux des formes fixes et de produire des mouvements que la musique accompagne et règle, qu’elle rend harmonieux et mesurés, de pouvoir exprimer comme la poésie des passions, des caractères et des actions dramatiques.

Mais ce que nous voulons surtout étudier et marquer, ce sont les rapports de cet art avec les autres arts dans les deux catégories qu’il semble appelé à rapprocher.

Nous ne ferons d’ailleurs qu’effleurer ce sujet, qui comporte plus de développements qu’il ne peut ici en être accordé.

Parlons d’abord des arts du dessin.

I. L’art le plus voisin de la mimique est sans contredit la Sculpture. C’est au point que la danse a été appelée la « statuaire en mouvement », de même qu’on a dit de l’architecture qu’elle était une musique pétrifiée ou glacée.

Les analogies en effet sont réelles. La sculpture fait du corps humain, comme la mimique, son objet principal et son mode de représentation.

Elle le représente dans sa forme totale avec ses trois dimensions ou dans sa réalité plastique, non comme la peinture qui n’en offre que l’image colorée étendue sur une surface plane. Elle représente aussi du corps humain les formes variées, les attitudes, le maintien, les poses, la physionomie, etc. Sous ce rapport, les deux arts se ressemblent, mais il ne faut pas que cette ressemblance fasse oublier ni atténuer les différences.

La sculpture, comme la peinture, ne nous offre que des images ou des apparences et celles-ci sont immobiles. La mimique fait agir et mouvoir, sous nos yeux, le corps humain réel et vivant. Il en résulte des différences frappantes et qui sont plutôt des oppositions et où apparaît toute la supériorité d’un des deux arts sur l’autre. La sculpture, art simultané comme la peinture, ne dispose que d’un seul moment de la durée ; dans ce seul et unique instant qu’elle choisit ou qui lui est donné, elle doit ramasser, condenser, le caractère, la vie de ses personnages, marquer le point décisif de action qu’elle représente. L’expression qu’elle confie à la matière, au marbre, au métal, pour cela doit être abstraite, non concrète, avoir