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ces rôles ? de se prêter, sans préjudice pour sa dignité, à la représentation de toutes ces formes ou de ces caractères ?

Vous condamnez donc, nous dira-t-on, l’action théâtrale. — Non, mais nous la mettons à sa place et à son rang. Ce n’est toujours qu’un art secondaire et auxiliaire. Ici, comme pour le chant dans la musique, il y a à distinguer la composition et l’exécution. La composition appartient au poète. L’acteur, quel que soit son talent, son génie même, si l’on veut, n’est toujours qu’un interprète. S’il crée des rôles, c’est toujours pour représenter d’autres rôles, les personnages qui sont sortis vivants de la pensée du poète auteur de l’œuvre dramatique, soit tragique, soit comique. Mais ce n’est pas ici le lieu de traiter ce sujet.

VI

Il est aisé de voir, par tout ce qui précède, que la mimique, malgré les raisons alléguées par ses partisans, ne peut prétendre, comme art indépendant, au rôle que ceux-ci voudraient lui voir assigner dans le système des beaux-arts. Eile ne saurait y avoir qu’un rang inférieur et subordonné.

Elle y apparaît comme un satellite, non comme un astre de première grandeur brillant de sa propre lumière.

C’est une grave erreur, en particulier, de croire que l’art chorégraphique, séparé de l’art théâtral où il joue un rôle important, associé simplement à la musique, peut se relever tout à fait de la décadence où il est tombé après avoir joui en d’autres temps d’un éclat emprunté, alors que, mêlée à la religion, ou expression du caractère national, moyen d’éducation, etc., la danse n’était pas à proprement parler elle-même, mais une des formes du culte. Quant à la pantomime, dès qu’elle a voulu être, elle aussi, un art réel et distinct, elle s’est vue forcée de déchoir, reléguée parmi les arts frivoles de pur agrément, comme simple divertissement pour des esprits grossiers, ou affectée à des fins encore moins nobles Il a été impossible de la relever de cet abaissement. Nous croyons en avoir donné la preuve et le véritable motif, la raison décisive et péremptoire.

Mais si, mieux comprise et remise à sa place, la mimique veut se contenter du rôle secondaire que sa nature lui assigne et qui est de se mettre au service des autres arts, de leur prêter ses moyens d’expression et par là de concourir à l’œuvre commune, elle reprend alors toute son importance : c’est ainsi que nous avons maintenant à la considérer.