Page:Revue philosophique de la France et de l’étranger, tome XXVIII, 1889.djvu/279

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
269
BÉNARD.la mimique dans le système des beaux-arts

l’esclave ou l’instrument des passions mauvaises, grossières et sensuelles, comme cela fut toujours aux époques de décadence et de corruption, chez les Romains par exemple. Mais il en est d’elle en cela comme des autres arts, et c’est un sujet que n’avons pas ici à traiter.

C’est, je le répète, aux artistes eux-mêmes à maintenir cet art au niveau où il doit être pour être réellement un art. La danse chaste, pudique elle-même, alliée à la musique, soucieuse avant tout de ses lois, n’ayant d’autre but que d’être noble, gracieuse, d’exprimer le beau dans la forme humaine et ses mouvements, non d’exciter la passion ou de symboliser des idées et des actes qui lui sont étrangers, la danse ainsi comprise et exécutée restera ce qu’elle a toujours été ou doit être, un divertissement honnête d’un genre noble faisant trêve aux occupations sérieuses et aux soucis de la vie, contribuant à la joie et à la gaieté comme à l’éclat des fêtes publiques et privées. Elle fera toujours partie de l’art théâtral dont elle est un élément intégrant, mélée à la musique. Elle y a sa place surtout dans le drame lyrique, aux intervalles d’une action purement idéale, destinée à satisfaire le sens du beau, associé au merveilleux. Étroitement liée à la musique qui règle et suit ses mouvements, elle accomplit une fonction qui lui est propre, celle de représenter dans le monde des formes et pour les yeux ce que celle-là imite ou représente dans le monde des sons qui charment l’oreille, l’une et l’autre faisant pénétrer simultanément dans notre âme, par deux sens différents, le sentiment de l’harmonie qui est son essence. On ne voit pas pourquoi elle ne se prêterait pas à des combinaisons nouvelles de l’art dramatique, cet art qui réunit en lui et met à son service tous les autres arts.

Doit-elle, par exemple, rentrer avec les chœurs dans la tragédie et dans la comédie, y contracter, avec elles et leurs genres ou espèces, de nouvelles alliances ? De grands poètes (Schiller, Gœthe) l’ont pensé et l’ont tenté, non sans succès. Cela n’a rien d’invraisemblable. C’est un problème que nous laissons à résoudre aux compositeurs et aux auteurs dramatiques qui méditent une nouvelle forme de l’art : le drame de l’avenir.

Ch. Bénard.