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PHILOSOPHES ESPAGNOLS

GOMEZ PEREIRA


La médecine philosophique n’a jamais été en grande faveur auprès des médecins, si l’on en juge par le petit nombre de ses représentants et de leurs partisans. Les hommes de l’art en général se soucient peu de la théorie, et beaucoup de la pratique. Ceux qui prennent la profession au sérieux, la majorité, s’acheminent tous vers l’empirisme, et deviennent des praticiens purs ; et ceux qui l’exercent comme un métier tournent invariablement au charlatanisme. Les empiriques se moquent du dogme et du dogmatisme, et ils croient avec la foi du charbonnier, bien différents des sceptiques qui vivent de l’autel, comme les prêtres incrédules. Les sceptiques sont des philosophes à leur manière, et par cela même peu nombreux ; d’autant plus que le scepticisme et la pratique ne vont guère ensemble. En médecine, comme à la guerre, il faut agir, saisir l’occasion aux cheveux, sauf dans les cas où l’on peut temporiser et laisser faire la nature, en appliquant la méthode expectante, dont la plupart des malades ne sentent point tout le prix. Quelle que soit l’impatience du patient, il doit se résigner à souffrir, et le médecin à s’abstenir, plutôt que d’enfreindre le précepte : « Être utile ou ne pas nuire. »

Les sceptiques ont aidé les empiriques à discréditer la doctrine, et les charlatans n’ont pu que gagner à ce discrédit. C’est ainsi que le préjugé et l’intérêt ont concouru à faire triompher la routine. De bonne heure le troupeau eut raison de l’élite. Aussi doit-on quelque admiration et un peu de reconnaissance aux quelques médecins anciens et modernes qui ont cru et prouvé, par leur exemple, que la médecine pouvait et devait servir à autre chose qu’à traiter des fiévreux et à panser des blessés. Celse a parlé fort sensément en leur faveur dans cette belle préface de son livre qui est une page admirable de l’histoire de la médecine. Chose curieuse ! C’est en