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mort incertaine. Ainsi qu’il le répète jusqu’à trois fois en termes très clairs, il avait cinquante-quatre ans en 1554, l’année même où fut publié le premier de ses deux ouvrages connus ; ce qui porte sa naissance soit à la fin extrême du xve siècle, soit à l’entrée du xvie.

Vint-il au monde dans la ville où il était établi, où il exerça la médecine, et où furent pour la première fois imprimés ses écrits ? On peut le supposer avec quelque vraisemblance, mais non l’affirmer. La part glorieuse que Medina del Campo prit à la guerre civile, dite des Communes, amena la destruction quasi totale de cette héroïque cité incendiée par les bombes du barbare Fonseca. Tous les registres des paroisses contenant les actes de l’état civil périrent dans cette catastrophe, en souvenir de laquelle sans doute le médecin-philosophe changea le nom de Médine de la plaine (campestris) en celui de Médine du combat (duelli). Il fut peut-être témoin de la résistance opiniâtre des habitants, qui eut lieu dans sa vingtième année.

Qu’il y fût né ou non, cette ville lui était chère. Il en parle souvent avec une sorte de tendresse filiale, avec une familiarité touchante, en usant du pronom possessif pluriel, « notre cité », ce qui signifie probablement notre patrie. Un étranger n’eût point parlé ainsi. La situation de Medina est merveilleuse. Assise dans une vaste plaine plantée de vignes, baignée par une petite rivière, le Zapardiel, voisine de la frontière portugaise, à égale distance de Valladolid, où résidait alors la cour, et de Salamanque, dont l’université brillait d’un incomparable éclat, elle était sur le chemin de quelques villes alors importantes, Palencia, Toro, Zamora. Les voyageurs y affluaient de toutes parts, attirés par le commerce et l’industrie de cet entrepôt de marchandises dont les foires jouissaient d’une réputation universelle, et dont les presses ont produit quantité de volumes qui figurent avec honneur dans les annales de la bibliographie espagnole. Les livres imprimés à Medina del Campo dans le grand siècle littéraire de l’Espagne sont aujourd’hui très recherchés. Les deux ouvrages de Gomez Pereira, d’une exécution remarquable, ne démentent point la bonne réputation de l’imprimerie médinienne. Il est vrai que leur extrême rareté en a décuplé la valeur.

L’origine portugaise du médecin-philosophe est probable, ainsi que de la plupart de ses homonymes, dont le nom revient souvent dans l’histoire littéraire de l’Espagne. La nomenclature semble prouver que la souche de famille avait produit plusieurs rameaux. Qui pourrait maintenant reconstituer l’arbre généalogique de cette tribu israélite ? Les archives de l’Inquisition fourniraient sans doute