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ANALYSES ET COMPTES RENDUS


E. de Roberty.L’inconnaissable. — Sa métaphysique, sa psychologie. 1 vol.  in-18 de la Bibliothèque de Philosophie contemporaine. Paris, F. Alcan, 1889.

L’agnosticisme est actuellement en faveur sous diverses formes. Positivistes, évolutionnistes, criticistes, savants ayant plutôt l’esprit philosophique qu’un système propre de philosophie affirment volontiers l’impossibilité pour l’esprit humain de s’élever à la compréhension de certains faits généraux, de certaines réalités mystérieuses et reconnaissent, sous des noms divers, l’existence d’un monde qui nous demeurera éternellement voilé ; l’absolu, le noumène, l’inconnaissable, la cause première, la substance, l’être en soi sont des termes qui désignent tour à tour ce grand inconnu, que chacun, ce qui peut sembler étrange, tâche plus ou moins, tout en le déclarant inaccessible, de comprendre à sa manière et de déterminer selon ses croyances.

À d’autres au contraire, le problème ainsi compris paraît mal posé, ils pensent que c’est l’homme qui a fait lui-même ces réalités devant lesquelles il se sent petit et humilie sa raison. Ils croient que ces questions insolubles ne sont insolubles que parce qu’elles n’existent pas en réalité, erreur et confusion du langage seraient la cause de la plus grande partie des problèmes de la métaphysique. Une analyse approfondie du sens des mots met fin à l’angoisse du penseur, non pas en lui donnant le mot de l’énigme, mais en lui montrant qu’elle n’a pas de sens, qu’il n’y a pas lieu de se la poser, ou bien encore en la ramenant à un problème purement scientifique dont la solution, si elle est hors de nos prises, ne saurait cependant nous apparaître comme étant hors des prises de l’esprit humain et dans un domaine où il ne saurait pénétrer. M. Taine, dans un de ses premiers ouvrages, se séparait déjà de ceux qui nient les causes, et de ceux qui les relèguent dans un monde inaccessible, et tâchait de montrer par l’analyse du sens des mots que les causes, les substances, les forces ont une réalité, une réalité connaissable et que l’observation des faits peut, avec le raisonnement, nous en révéler l’existence et nous les faire connaître.

C’est la question de l’inconnaissable, au point de vue le plus général, que M. de Roberty vient de reprendre dans le petit volume dont il