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analyses. — ferneuil. Les principes de 1789.

Il est difficile, à mon avis, de porter un jugement sur les questions de la métaphysique, et plus difficile de le considérer comme définitif. J’ai énoncé ici même, il a quelques années, des idées qui à de certains égards s’accordent avec les théories de M. de Roberty ; je suis donc porté à être de son avis sur bien des points. À mon sens, il s’appuie quelquefois sur une psychologie trop incomplète, par exemple dans sa théorie des contraires qui en garde quelque imperfection, mais ses conceptions générales me paraissent plus rapprochées que d’autres de la vérité probable. Littré avait jadis quelque peu émondé les théories de Comte, peut-être les avait-il trop vulgarisées, — dans le mauvais sens du mot. La théorie générale de M. de Roberty paraît être une sorte de nouveau positivisme plus ami que celui de Littré de l’analyse psychologique et du raisonnement abstrait. On pourra lui objecter comme à ses prédécesseurs qu’il mutile l’esprit humain, alors qu’il en prévoit l’évolution et qu’il tâche d’y prendre part. Les questions théologiques et métaphysiques font, dit-on, la grandeur de l’intelligence de l’homme, et l’on admire la force de la pensée qui voit l’inaccessible, le sait inaccessible et s’efforce quand même de l’atteindre. Mais si cependant ces questions n’ont pas la grandeur qu’on leur attribue, si les grandes questions ne sont pas où on les place en général, si les problèmes qui ont fait l’orgueil et le tourment de la pensée ne sont que faux problèmes, dont la solution est impossible seulement parce que l’énoncé en est défectueux, je me demande en vain quelle noblesse il y aurait à s’obstiner dans des recherches qui n’ont pour base qu’un malentendu, et pourquoi il ne serait pas plus beau de modifier un énoncé où les données sont falsifiées que de corriger une question mal posée. Ce qu’on peut exiger de la philosophie, — ou si l’on veut de la métaphysique positive, car, en vérité, le nom importe peu, — c’est qu’elle montre en quoi les problèmes de la théologie et de la métaphysique sont défectueux, et qu’elle leur donne ensuite une forme nouvelle et supérieure. Il y a là une tâche qui, autant que toute autre, a sa grandeur et son importance. Le livre de M. de Roberty peut être considéré comme une contribution d’autant plus intéressante que la tâche est plus ardue et les travailleurs plus rares, à l’étude de la transformation des problèmes philosophiques.

F. Paulhan.

Th. Ferneuil.Les principes de 11789 et la science sociale. Hachette, 1889.

D’autres ont jugé, et jugé sévèrement, les principes de 1789 à la lumière de l’histoire ; après M. Taine, ce point de vue est épuisé. M. Ferneuil entreprend de les critiquer à la lumière d’une science encore embryonnaire, la sociologie. Aux solutions des problèmes sociaux dogmatisées par nos aïeux révolutionnaires, il oppose celles que préconisent