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janet. — la géographie de la philosophie

piègne, Roscelin, lui oppose la théorie nominaliste, et Abeilard, le grand professeur, qui rassemblait sur la montagne Sainte-Geneviève des milliers d’étudiants, essaye de concilier les deux doctrines dans la théorie conceptualiste.

Quelque bizarres que soient alors les formes de la pensée, quelque subtils que soient les raisonnements, quelque obscur que soit le langage, on ne peut nier que ce ne soit la philosophie qui recommence à cette époque dans cette mémorable controverse. Ainsi, depuis Athènes où elle avait paru mourir en apparence, la philosophie avait dormi et sourdement germé pour renaître six siècles après à Paris, qui pendant tout le moyen âge reprit le sceptre qu’Athènes avait eu dans l’antiquité.

Cependant, le fait capital à signaler, c’est qu’avant la fin du xrr° siècle, l’Occident ne possédait guère qu’Aristote, et d’Aristote que les ouvrages logiques. Les recherches devaient donc surtout porter sur les difficultés logiques. Sans doute, il était resté quelques vestiges de métaphysique grecque par saint Augustin, et par les ouvrages du faux Denys l’Aréopagite ; on avait des commentaires du Timée et les commentaires de Macrobe. Mais tout cela était rare, dispersé. On était encore trop faible pour philosopher autrement que sur un texte donné. Sauf quelques hommes de génie, Scot Erigène et saint Anselme, on dut se mettre à l’école, et commencer par le plus facile, la grammaire et la logique.

On peut donc considérer l’introduction des œuvres d’Aristote sur la philosophie naturelle, et sur la métaphysique, comme un fait décisif dans le développement de la philosophie du moyen âge. Or cette introduction fut le fait des Arabes.

Nous voyons en effet, vers le milieu du xiie siècle, une grande entreprise de traductions faites sur les traductions arabes par les soins de Raymond, archevêque de Tolède. Ces traductions se firent surtout par l’intermédiaire des juifs. De nombreux traducteurs chrétiens furent aussi employés. Le principal est Michel Scot qui est surtout cité comme ayant introduit les ouvrages d’Aristote à l’aide de ses traductions. Voici le texte de Roger Bacon : « Tempore Michaelis Scot, qui annis 1230 transactis apparuit, deferens librorum Aristotelis partes aliquas de naturalibus et mathematicis cum expositoribus sapientibus, magnificata est Aristotelis philosophia apud latinos. »

Non seulement on avait traduit les œuvres d’Aristote, mais encore les œuvres juives et arabes, les écrits d’Avicenne, d’Al-Faradi, la Source de vie de Ibn-Gebirol (Avicembron), le de Causis, ouvrage d’origine alexandrine, etc.