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parce que, devant servir de point de départ, il faut qu’il soit fixe et qu’une quantité fixe, moindre à l’infini que quoi que ce soit, n’est plus rien.

Comme le néant est stérile, et l’être avant toute évolution inexplicable, il faudrait pour sortir de cette alternative, partir de je ne sais quel milieu chimérique entre le néant et l’être, et telle est précisément la tendance de tous les esprits qui, dans l’hypothèse d’une puissance unique, ont cherché une base au progrès. Mais un tel milieu est introuvable parce qu’il est absurde. La raison ne le connaît pas, et l’imagination elle-même se refuse à en présenter le symbole.

Supposons néanmoins, en dépit de tout, que le problème soit résolu, et que l’être dont on parle ait trouvé, on ne sait où ni comment, son origine. Comment va-t-il évoluer ? Pour que le progrès se réalise, il faut que l’acte dépasse toujours la puissance, et que, d’une façon insensible, mais continue, le plus, à chaque instant, sorte du moins. Ces additions d’être, on l’a fait observer souvent, sont sans raison, mais l’objection que nous faisons à la doctrine est plus radicale. Nous demandons de quel droit la distinction de l’acte et de la puissance y a été introduite, et de quelle façon on entend la justifier.

Le vrai, sur ce point, se laisse aisément entrevoir. C’est par une inadvertance analogue à celle que nous signalions tout à l’heure, qu’une telle distinction trouve accès dans l’hypothèse. Sans qu’on y prenne garde, elle est importée, du polydynamisme, où elle s’explique, dans le monisme qui l’exclut.

Le monisme l’exclut en effet. Soit, avec un degré d’être quelconque, une puissance unique. Cette puissance ne peut un seul instant demeurer telle, et, si court que soit l’intervalle de temps qu’on essaye de placer entre elle et son acte, cet intervalle sera inexplicable, parce qu’il supposera un évanouissement momentané de la puissance. La puissance, comme telle, doit donc disparaître en se posant, et, dès que vraiment elle existe, elle n’est plus que l’acte qui la réalise.

Et cependant, la distinction de la puissance et de l’acte, justifiée à chaque instant par les faits, s’impose à l’esprit. Il faut donc, puisque l’unité de l’être rend toute explication impossible, en appeler de lun au multiple et demander au polydynamisme les lumières que la doctrine rivale ne peut nous fournir.

À ce nouveau point de vue, on va le voir, le problème se résout sans peine.

Imaginons une puissance entravée dans son essor et limitée par