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par une suggestion nouvelle arrivent à faire dire au sujet tout ce que cette personne a fait ou dit, ce qui prouve que le sujet, dans la première expérience, avait vu et entendu sans en avoir conscience.

Ces faits démontrent l’impossibilité de séparer la sensation d’une diminution dans la quantité des réactions motrices, réelles ou possibles, puisque l’objet senti est une limitation du mouvement réel ou possible de l’être vivant. Ils démontrent l’impossibilité de séparer l’idée d’une augmentation dans la quantité des réactions motrices, puisque toute perception consciente ou non (toute idéation abstraite s’exprimant comme une perception) est une réalisation consciente ou non de l’objet à une échelle variable suivant l’état mental par le mécanisme vivant. Mais il convient de bien distinguer la perception consciente et la perception inconsciente. La perception consciente et par conséquent son expression est la reproduction plus ou moins infidèle de l’objet, car la conscience est subordonnée à des conditions qui font de nos sens un instrument sujet à des erreurs calculables d’ailleurs et légitime seulement quand il est corrigé par le raisonnement et par la science. La perception inconsciente, dont les expériences de MM. Liégeois et Bernheim offrent un exemple, et par conséquent son expression est au contraire une reproduction fidèle de l’objet, au moins à l’état normal ; les preuves en sont dans les faits précités, dans l’infaillibilité de l’instinct, dans la dextérité avec laquelle les sujets en état de somnambulisme, en général tous les êtres inconscients, se dirigent à travers des dangers dont la seule notion consciente serait parfois fatale.

II

Nous pouvons aborder maintenant le problème du plaisir et de la douleur. C’est le problème le plus général que puisse se poser la psychologie car les sens, l’imagination, la pensée, si abstraite qu’on la suppose, ne peuvent s’exercer sans éveiller un sentiment de plaisir ou de peine qui s’exprime. Il n’y aurait pas de conservation possible sans perception inconsciente ou consciente de plaisir ou de peine : les conditions de production de ces états sont infinies, mais aucun fait n’échappe à cette caractéritisque. C’est un problème que l’être vivant le plus humble comme le plus élevé doit résoudre à chaque instant pour pouvoir, suivant la solution, échapper à la mort ou se diriger vers l’accomplissement de ses fonctions.

Les psychologues rattachent le plaisir au sentiment de la continuité ou de l’accroissement des fonctions psychiques, la peine à la discontinuité ou à la diminution de ces fonctions. Mais lorsque je