Page:Revue philosophique de la France et de l’étranger, tome XXVIII, 1889.djvu/371

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
361
ch. henry. — le contraste, le rythme, la mesure

M. Binet a étudié récemment les mouvements inconscients expressifs des hystériques hémi-anesthésiques. Si un de ces sujets pense spontanément à une personne ou à un objet, ou à un chiffre, ou si on le prie d’avoir ces pensées, la main anesthésique qui tient une plume écrit aussitôt le nom de la personne ou de l’objet ou le chiffre. Il a la représentation consciente des objets, mais non de ce qu’il écrit. La nature de l’image graphique inconsciente est suggérée en même temps par l’attitude donnée à la main ; si on demande au sujet de penser un nombre et si au lieu de lui laisser une plume ou l’index libre on lui soulève le doigt un certain nombre de fois, quand on arrive au chiffre pensé, le doigt se raidit. Il y a ainsi une coordination entre les opérations conscientes et les opérations inconscientes : l’idée est consciente, le mode d’expression est inconscient. Chez ces sujets, M. Binet a trouvé que la sensation non perçue sous forme tactile ou musculaire apparaît sous forme visuelle. Le sujet pense le nombre d’applications du compas qu’on exerce sur sa peau ; parfois il le pense sans erreur, ce nombre dépassäât-il cent. Il voit sa main, les pointes du compas, le nombre des applications dessinées comme à la craie sur un tableau noir. Mais il ne faut pas croire que le sujet ait conscience de compter les excitations ; il ne perçoit que le total. De véritables calculs inconscients se peuvent constater. Je laisse la parole à M. Binet : « Lorsqu’on fait tracer à la main anesthésique un chiffre arabe, puis un second chiffre au-dessous du premier, puis une ligne transversale au-dessous du second chiffre, il arrive que le sujet inscrit spontanément au-dessous de la ligne le total des deux chiffres : il en a fait l’addition. On écrit 3, puis 5, le sujet écrit 8. Demandons-lui maintenant à quoi il a pensé : le sujet répond qu’il a vu dans son esprit le chiffre 3, qui s’est bientôt effacé, puis le chiffre 5 s’est présenté le dernier et comme il a persisté plus longtemps que les autres dans la conscience, c’est celui-là que le malade a pensé. Le sujet n’a pas conscience du rapport qui lie le 3° chiffre aux deux premiers… » Lorsque le sujet est parvenu, après quelque hésitation due au retard de perception, à se représenter l’attitude de son membre anesthésique, il est incapable de se représenter une autre attitude (par exemple la main ouverte, si le poing est fermé en contracture) tant que l’opérateur n’intervient pas pour modifier cette attitude.

L’existence de perceptions inconscientes est un fait établi par d’autres expériences : MM. Liégeois et Bernheim suppriment par suggestion pour un sujet une personne qui se livre devant lui à différents actes ; ce sujet dit ne rien voir et ne rien entendre ; puis ils abolissent la suggestion, rendent visible la personne supprimée et