Page:Revue philosophique de la France et de l’étranger, tome XXVIII, 1889.djvu/415

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
405
guardia. — philosophes espagnols

les images sensibles sont des corps et non des accidents. Les médecins ont placé la mémoire à la partie postérieure de la tête, après avoir observé les phénomènes consécutifs à la lésion externe ou interne de cette partie, soit à la suite d’un coup ou d’un épanchement séreux, dont l’effet est d’effacer le souvenir du passé. La notion de siège est donc importante, et la psychologie doit s’aider de la pathologie, étant elle-même une branche de la physiologie.

Les images sont-elles connues intuitivement, en l’absence des objets, ou bien les objets absents sont-ils conçus simplement, les images étant inconnues ? À cette question, l’auteur répond que l’intuition et l’abstraction concourent. Ramenée du dépôt de derrière la tête à la partie antérieure, l’image affecte l’âme, non pas à la vérité avec la même force que l’objet qui l’a produite, mais plus doucement ; de sorte que, par un changement intuitif, suffisamment distinct, l’âme s’assure de l’existence de l’objet, et arrive, par abstraction, à constater l’identité de cet objet. Nous croyons, dit-il, que ce qui a été une fois connu peut l’être encore par une notion abstraite, sans que l’image qui est la cause immédiate de la notion soit connue.

Cette doctrine, d’après lui, éclaire vivement les erreurs innombrables des maîtres qui enseignent dans les écoles, désignant par là, moins les scolastiques, que Platon et Galien, ainsi que les physiciens qui se sont trompés sur les notions intuitives et abstraites. Nous connaissons la neige et la poix par les images blanches et noires qui passent de la partie postérieure du cerveau à la partie antérieure, où elles sont connues intuitivement ; et cependant jamais anatomiste n’a découvert dans le cerveau ces corpuscules noirs comme la poix ou blancs comme la neige, et nul n’est certain de l’existence de ces corpuscules et de la place qu’ils occupent dans son cerveau. À ce sujet, longue réfutation de Grégoire de Rimini, un des scolastiques le plus souvent allégués. En fait, les accidents sont seuls perçus, et la substance échappe aux sens, illud enim vere dicitur sentiri, cuius accidentia sentiuntur ; nam substantia sensui non subjacet. Les images intérieures sont semblables à l’objet qu’elles représentent. Ces images intuitives des objets perçus n’ont rien de commun avec celles de la fantaisie.

Tout en réfutant la scolastique, qui invoque tour à tour Aristote et saint Augustin, l’auteur explique cette méthode discursive qui l’entraîne d’une question à l’autre. Il ne veut point rompre le fil de la discussion, de peur de nuire à la clarté. Aussi répond-il d’avance à toutes les objections prévues, de manière que les plus médiocres esprits puissent comprendre le mécanisme