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sable, de sorte que les images devraient être connues, toutes et quantes fois nous sommes libres et disponibles. Et pourtant c’est le contraire que nous enseigne l’expérience. Le fait est que cette faculté intérieure de connaître n’est pas aussi libre à l’égard de la connaissance des images, qu’elle l’est par rapport à sa propre connaissance. Donc les images ne sont point des accidents inhérents à l’âme.

Ici intervient une explication empruntée à la pathologie. Un grand coup sur la nuque peut produire l’oubli du passé, la perte de la mémoire. Bien des gens se connaissent, ont conscience, dont la mémoire est abolie. C’est donc ailleurs que dans l’âme que se trouve ce par quoi nous connaissons les choses absentes, ergo alibi quam in anima sita sunt ea, quibus absentia cognoscimus. En effet, si l’âme est prête à se connaître, elle doit aussi être prête à percevoir les images qui lui sont inhérentes, même dans le cas d’infirmité du corps où elle est. Ce raisonnement spécieux prouve que, dans l’analyse des facultés, l’auteur se préoccupait de l’idée de siège.

Il entreprend ensuite de prouver que l’image est quelque chose de distinct de l’homme, bien que renfermé dans l’homme ; car, dit-il, s’il n’y a point d’images dans l’âme, il ne saurait y en avoir non plus dans le corps animé, si enim animæ non insunt phantasmata, neque corpori animalo ad hærere poterunt. Il suffit de se demander si le corps animé, où se trouvent les images, est une partie n’ayant pas la faculté de connaître. Si l’image n’est ni un accident de l’âme, ni un accident du corps animé, elle n’est donc pas une partie du corps, puisque toutes les parties du corps animé sont animées, omnes enim vere animati corporis partes animatæ sunt. Quel est donc le moteur de ces images ? La volonté, durant la veille, et, pendant le sommeil, une vapeur, une humeur qui domine dans le corps, avec lesquels les images sont en rapport : gaies, si c’est le sang ; tristes, si c’est le suc mélancolique qui les évoque. N’est-il pas curieux de voir un adversaire résolu de Galien accepter la localisation des facultés et la doctrine galénique des humeurs ? Et n’est-ce pas là une preuve que la raison prévaut quand même sur le dogme ? Qui pourrait s’en étonner ? Les théories ne sont que des constructions provisoires, tandis que la raison est l’éternel ouvrier. L’édification ne va pas sans la démolition, et la science se fait par un mécanisme analogue à celui de la nutrition. Comment croire à une éternité où cesserait ce labeur qui est la vie même ? Cet état d’éternel repos serait le néan, si le néant se pouvait concevoir.

De la doctrine de la sensation, exposée ci-dessus, il résulte que