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G. Romanes. Mental evolution in Man : Origin of human Faculty. In-8o, London, Kegan Paul, 452 p.

Après avoir réuni dans son Intelligence animale les matériaux d’une psychologie comparée, M. Romanes nous la présentait sous une forme systématique dans son livre sur l’évolution mentale chez les animaux[1], dont son nouvel ouvrage consacré à l’évolution mentale chez l’homme est la continuation directe et le complément. Pour le moment, il ne traite qu’une partie de son sujet, se réservant d’étudier dans un futur volume les autres formes de l’évolution humaine.

On peut dire que ce livre se ramène tout entier à l’examen d’une seule et unique question : Entre l’intelligence animale et l’intelligence humaine existe-t-il une différence de nature ou une simple différence de degré ? Y a-t-il une ligne de démarcation nette, comme beaucoup l’admettent, ou une simple transition, comme la théorie évolutioniste le suppose implicitement ? — Les partisans de la solution de continuité admettent, dans le passage de la bête à l’homme, l’apparition de facultés nouvelles (raison, sentiment religieux, possibilité de progrès, etc.). L’auteur ne combat qu’en passant ces diverses assertions pour concentrer le débat sur un seul et unique point. La ligne de démarcation (cette thèse remonte au moins à Locke) paraît être dans la faculté de former des idées générales qui serait un attribut purement humain. Le problème se réduit donc à savoir si, de la sensation pure aux idées générales les plus hautes, il y a une transition qui se fait insensiblement. Si l’on tient pour l’affirmative, on n’admet entre les facultés mentales des animaux et celles de l’homme qu’une différence de degré. Si l’on tient pour la négative, il y a une différence de nature, spécifique. Il faut donc étudier la nature des idées générales, soit prises en elles-mêmes, soit dans les diverses formes du langage qui les fixent et les traduisent. Pour cela, il est nécessaire d’avoir recours à l’analyse psychologique et à la philologie comparée.

« La question de savoir si les animaux ont une faculté d’abstraction est une question de terminologie » (p. 33). À notre avis, on ne peut mieux dire. Ce terme « idées générales » ou « concepts » a une telle extension, couvre un champ si étendu et si mal limité qu’il est impossible d’en parler avec un peu d’exactitude, tant qu’on n’y a pas établi quelques divisions. Il y a très loin des généralisations les plus grossières aux concepts des hautes mathématiques. M. Romanes propose donc une classification que nous adoptons d’autant plus volontiers que nous en avons proposé ailleurs une autre presque identique.

Aux résultats de la perception, c’est-à-dire aux sensations groupées et organisées en un tout, il donne le nom de percept. À la fusion de plusieurs percepts très analogues, réunis par associations spontanées, par une opération presque automatique, correspondent les idées géné-

  1. Pour l’exposé de ces ouvrages, voir la Revue philosophique, janvier 1883 et janvier 1888.