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traire on applique sur l’image une lentille biconcave, sans qu’il s’en doute, le sujet voit l’image agrandie. De Ià à conclure que tout est suggestion, il n’y à qu’un pas. Mais les deux auteurs italiens remarquent avec raison que cet argument prouve seulement la supériorité d’une action psychique {le verre grossissant qui a été suggéré) sur une action physique (la lentille biconcave) ; ceci prouverait même que l’image hallucinatoire est perçue dans les mêmes conditions qu’une image réelle, car une image réelle ne se comporterait pas différemment ; elle paraîtrait agrandie si le sujet l’examinait avec un verre concave qui, par suggestion, aurait reçu la propriété de grossir.

Pour terminer ce qui à trait à cette question, il nous reste à faire une petite querelle aux auteurs, sur l’interprétation qu’ils donnent de leurs expériences. Ils veulent bien rappeler en deux mots l’hypothèse du point de repère que j’ai défendue ici même dans mes articles sur les Hallucinations (1884) ; j’ai supposé, on se le rappelle, que lorsque le sujet voit apparaître, au moment de la suggestion, une image hallucinatoire sur une feuille blanche, cette image s’associe avec l’image réelle du fond sur lequel le sujet l’extériorise ; il y à une fusion, une combinaison complète entre ces deux images, dont l’une sert de point de repère à l’autre ; un petit détail quelconque dans les grains du papier, par exemple, se trouvera associé à telle hallucination d’un portrait, de sorte que, dix jours, ou même dix mois après, si on représente au sujet le même papier, il y retrouvera le même portrait ; c’est le point de repère qui rappelle l’hallucination, comme, dans d’autres circonstances, la vue d’une personne rappelle son nom. Il m’a semblé que l’existence de ce point de repère pouvait aussi servir à expliquer comment un prisme pouvait dédoubler une image purement mentale, et une lentille biconvexe pouvait l’agrandir ; ces instruments d’optique agissent d’abord sur le point de repère, qu’ils dévient, dédoublent ou amplifient, et le même effet se produit consécutivement sur l’image mentale. Je ne voudrais pas insister trop longtemps sur ces questions théoriques ; seulement je ferai remarquer que dans les discussions que j’ai eues avec M. Bernheim, ce dernier paraît avoir accepté, ou à peu près, mon interprétation ; et, d’autre part, M. Pierre Janet, dans ses expériences sur la dissociation mentale, est arrivé à faire reconnaître à ses sujets l’existence de ce point de repère.

MM. Ottolenghi et Lombroso repoussent l’idée de tout point de repère, en invoquant comme raison suffisante qu’ils ont pu modifier des hallucinations extériorisées sur des fonds complètement noirs. Je crois qu’il serait bon, avant d’être trop affirmatif, de tenir compte de l’hyperacuité visuelle dont paraissent jouir les sujets en somnambulisme ; il me paraît possible que les sujets découvrent des points de repère suffisamment nets dans des fonds qui nous paraissent complètement homogènes.

Quoi qu’il en soit, nous ne saurions accepter l’interprétation nouvelle que MM. Ottolenghi et Lombroso proposent de substituer à la nôtre. Ils admettent que l’hallucination visuelle provoque un courant