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analyses. — ottolenghi et lombroso. Nuovi studi, etc..

nerveux centrifuge qui se répand jusqu’à la rétine, et met cet organe périphérique dans le même état physiologique que s’il était excité réellement par l’objet qui figure dans l’hallucination ; par conséquent, la rétine reçoit comme dans la vision normale l’action des instruments d’optique.

Il nous suffira de répondre que les instruments d’optique, prisme, lentille, etc., n’agissent point directement sur la rétine, mais sur les rayons lumineux, qu’ils déplacent ou dispersent avant leur entrée dans l’œil, et que, par conséquent, ces divers instruments ne peuvent modifier directement l’image rétinienne. Nous avons dit assez de bien du travail de ces auteurs pour avoir le droit de leur signaler leur erreur sans faire de périphrases.

Études spectroscopiques sur les hallucinations. — On a pu remarquer que, jusqu’ici, les auteurs de la brochure que nous analysons se sont contentés de vérifier l’exactitude des recherches entreprises pour la première fois par M. Féré et par moi. Leur travail contient en outre une partie tout à fait originale, qui consiste dans l’application du spectroscope à l’étude des hallucinations visuelles. On sait que si on examine au spectroscope un rayon de lumière blanche, et qu’on place devant l’extrémité antérieure de l’instrument un verre de couleur, il se produit une modification dans les couleurs du spectre. La plus grande étendue du spectre est occupée par une couleur homonyme de celle du verre ; de plus, toutes les autres couleurs du spectre, ou quelques-unes seulement, se trouvent modifiées. Or voici les expériences que les auteurs ont faites sur ce point. On commence par habituer le sujet à regarder l’image spectrale au spectroscope, et à dessiner sur un papier l’étendue des diverses couleurs qui composent le spectre ; puis on applique à l’extrémité antérieure de l’instrument une feuille de carte ou un verre incolore auquel on donne par suggestion une couleur déterminée. Or, dans la majorité des cas, il arrive que ce verre coloré par une simple suggestion produit dans l’image spectrale les mêmes modifications qu’un verre réellement coloré. 55 expériences furent faites à ce sujet ; dans les 96, 36 p.100 des cas, elles donnèrent le même résultat qu’une expérience avec des verres de couleur.

Nous avons analysé les principaux faits contenus dans cet intéressant travail ; nous nous bornerons à signaler en terminant quelques observations curieuses sur les rapports entre le caractère du sujet et l’exécution de certaines suggestions criminelles. En résumé, travail intéressant, consciencieux, ayant le mérite rare de contenir plusieurs centaines d’observations.

Nous féliciterons surtout les deux expérimentateurs d’avoir compris cette vérité, qui nous paraît si claire, et qui cependant est méconnue tous les jours, à savoir que la suggestion n’exclut pas la réalité des autres influences pouvant agir sur les hypnotisés, et que la reproduction d’une expérience quelconque à l’aide de la suggestion ne prouve pas du tout que cette cause psychique soit la seule efficace.

Alfred Binet.