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On ne doit pas oublier qu’il y a une forme d’épilepsie sans convulsion, consistant en vertiges. Cette dernière, la plus profondément perturbatrice, d’après Esquirol, s’accompagne plus fréquemment que l’autre de tendances vénériennes, homicides, frauduleuses, incendiaires, chez des gens réputés honnêtes auparavant. Toutes les fois qu’on observe, chez les jeunes délinquants surtout, une certaine périodicité intermittente des impulsions délictueuses, il y a donc lieu de soupçonner leur nature épileptique. D’après Trousseau, quand un individu, sans motifs, commet un homicide, on peut affirmer qu’il a agi sous l’influence de l’épilepsie. De l’épilepsie, ou de quelque autre névrose ? En tout cas, épileptique ou non, l’auteur d’un meurtre exécuté sans motifs ne saurait être, en général, et sauf l’exception que nous verrons plus loin, qualifié criminel. Il y a des cas, dit-on, où l’épilepsie, longtemps latente, ne se révèle que postérieurement aux délits, commis sans doute sous son influence inaperçue. Cela est vrai, et cela est fâcheux ; mais cela ne prouve pas qu’il en soit toujours ainsi, ni qu’il faille assimiler au voleur qui vole conformément à son caractère habituel et fondamental, le voleur qui vole conformément à son caractère morbide et passager, greffé sur l’autre par un trouble cérébral. Dans le premier cas le sujet est responsable, il est irresponsable dans le second. Lorsque l’on a, nous dit-on encore, des informations complètes sur la parenté des criminels et des épileptiques, on voit, chez leurs parents et leurs aïeux, l’épilepsie alterner avec la criminalité. Mais l’alternance et l’identité font deux. La folie aussi alterne souvent avec le génie dans une famille, et la nuit avec le jour dans le ciel.

Suivant Lombroso, enfin, la carte italienne de l’épilepsie, par provinces, concorde parfaitement avec celle de la criminalité. Je ne suis pas frappé de cette concordance ; loin de là.

Tout cela s’explique, à son avis, quand on sait que l’épilepsie est une irritation de la substance grise mal nourrie qui, au lieu de pouvoir dépenser peu à peu régulièrement sa force, doit la décharger par accès. Cette irritation donne lieu à des phénomènes différents suivant la nature des territoires cérébraux auxquels elle s’étend. Quand le domaine du sens moral est envahi, la folie morale éclate. Je le veux bien, malgré les critiques pénétrantes dirigées par Colajanni, dans sa Sociologie criminelle, contre la localisation des fonctions mentales élevées ; mais cela prouve-t-il que le ressort cérébral du sens moral, s’il existe à l’état distinct, ne puisse être faussé que par l’épilepsie ?

Nous avons dit que l’éminent aliéniste prétend concilier son explication actuelle de la criminalité native par l’épilepsie avec sa