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peu surpris, les différences essentielles qui séparent la folie de la criminalité. Il est vrai que ces développements tendent à confondre la criminalité avec l’épilepsie. Mais c’est toujours la même manière d’argumenter à coups d’exemples, qui rappelle la manière de plaider de certains avocats, à coups d’arrêts, auxquels il est toujours possible d’en opposer d’autres. À quoi bon d’ailleurs, s’il en est ainsi, avoir commencé par établir entre le criminel vrai et le criminel fou, des ressemblances forcées qu’on est obligé d’effacer ensuite ? Pourquoi avoir affirmé, à tort ou à raison, qu’ils se ressemblent par l’implantation des oreilles en anse, par la rareté de la barbe, par le clignotement des veux et le strabisme, et encore plus par les caractères psychologiques ? Pourquoi avoir noté la préméditation et la rage dont quelques fous, comme tous les délinquants ordinaires, font preuve dans l’exécution de leurs homicides, de leurs vols, de leurs viols, de leurs incendies ; le soin qu’ils prennent souvent de préparer leur alibi, d’éluder le Code pénal ? Pourquoi, au lieu de confronter des types bien purs de folie à des types également nets de criminalité, s’être attaché de préférence à ces types hybrides où « l’habileté s’associe merveilleusement au délire », comme chez Euphrasie Mercier[1], ce qui n’empêche pas le délire et l’habileté de faire deux ? La finalité inconsciente qui travaille en nous sans nous collabore fréquemment avec notre déraison ; mais cette coordination logique d’actes inspirés par un mobile absurde n’a plus lieu d’être considérée comme la preuve suffisante de la participation du moi normal au but poursuivi, depuis que nous savons si bien que le moi est un nous. Beaucoup d’incendiaires demi-imbéciles ont la précaution de mettre leurs effets à l’abri du feu avant de brûler leur maison. Ils n’en sont pas moins irresponsables. Je ne suis pas non plus très frappé du fait, si démontré soit-il, que sur 100 fous homicides, 67 avouent, 23 nient, 14 se repentent, 7 se vantent de leur action ; et ces chiffres ne suffisent pas à me persuader que l’attitude des fous criminels, après leur crime, est précisément celle des criminels-nés. À première vue, une autre ressemblance entre eux paraît remarquable : beaucoup de fous criminels, réellement fous, simulent la folie, à l’instar des délinquants véritables. Mais, comme Lombroso le montre un peu plus loin, ils simulent une

    tion des prisons 4 fou sur 20 ou 40 prisonniers : 10 fois plus ! — Thompson affirme que, sur 5,432 prisonniers écossais, 673 ont donné en prison des signes d’aliénation mentale, alors que 53 seulement à l’audience avaient été reconnus aliénés. Ce qui montre avec évidence que les magistrats ont tort de se méfier des aliénistes. — Maintenant, remarquons que, parmi les 613 aliénés dont il s’agit, Thompson a découvert 57 épileptiques seulement. Ainsi, 57 épileptiques seulement sur 5,432 prisonniers !

  1. Voir à ce sujet une monographie du Dr Ball.