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tard, lorsque la faculté de reproduction commença à se rétablir, ces traces reparurent tout à coup.

Nous voyons donc que, dans la plupart des cas que nous avons observés, la faculté de fixation subsistait. On ne peut cependant en conclure qu’elle ne fût pas dérangée du tout. Il est probable qu’elle était modifiée quantitativement, c’est-à-dire qu’elle devenait plus faible, que les traces des impressions étaient moins vives qu’à l’état normal, mais les traces restaient et par conséquent la faculté de fixation subsistait.

Du reste, nous aurons l’occasion d’en parler avec plus de détails, parce que nous aurons besoin de revenir à ce sujet pour résoudre les questions qui nous intéressent le plus dans l’amnésie dont nous parlons, savoir : 1o pourquoi l’amnésie est-elle presque exclusivement bornée à l’oubli de ce qui s’est passé pendant la maladie (ou à ce qui lui est un peu antérieur) et 2o comment des impressions qui paraissaient oubliées peuvent-elles être reproduites dans la conscience ?

Pour répondre à ces questions, il nous faut examiner les conditions de l’existence de la mémoire. Nous avons déjà dit que la mémoire était due 1o à la faculté de fixation et 2o à celle d’évocation ou reproduction. La faculté de fixation est due à une propriété particulière des éléments nerveux. Cette propriété est une vertu organique de la cellule nerveuse. M. Charles Richet, qui a mis en évidence cette particularité dans son article sur « les Origines et les modalités de la mémoire[1] », explique que cette faculté de garder des traces, faculté qui appartient aux propriétés essentielles de la substance des éléments nerveux, se résume en ce que, grâce à une particularité de constitution, toute impulsion qui agit sur l’élément nerveux se prolonge, c’est-à-dire, quoique l’impulsion n’ait duré qu’une partie d’une seconde, l’excitation, la vibration de l’élément nerveux dure bien plus longtemps et les traces de cette vibration sont conservées pour toujours dans l’élément nerveux, et elles y restent à l’état latent, mais, parfois, sous de certaines conditions, elles peuvent se reproduire. L’intensité de la faculté de fixation des éléments nerveux dépend en grande partie de sa faculté de prolonger la vibration, parce que plus la vibration est de longue durée, plus intensive en est la trace. Les éléments qui sont le plus doués de cette puissance sont les éléments nerveux qui servent à l’activité psychique, de manière qu’on peut supposer, avec beaucoup de vraisemblance, ce que certains faits confirment, que toute impression, fût-ce la plus faible, laisse sa trace dans cette région du système nerveux de

  1. Revue philosophique, 1886, t.  VI.