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KORSAKOFF.des maladies de la mémoire

l’homme. Sans doute la netteté des traces ne sera pas la même, et cette netteté dépend d’un côté de l’état du système nerveux, de l’autre côté de la nature de l’impression. Que l’état du système nerveux influe sur le degré de la faculté de fixation : nous pouvons voir que dans différentes maladies, surtout dans l’action des poisons qui agissent sur l’intelligence (tels que le vin, l’opium, le chloroforme, etc.), la faculté de fixer diminue, bien qu’elle ne s’anéantisse pas complètement. D’un autre côté, la puissance de fixation d’une impression dépend aussi de la nature de l’impression elle-même, surtout de la réaction psychique qu’elle éveille en nous ; plus cette réaction est puissante, plus la durée des vibrations de la cellule est longue et par conséquent plus la trace est profonde. C’est pour cela que nous pouvons en partie augmenter à notre gré la fixation de certaines impressions : en y dirigeant notre attention, nous prolongeons la durée de l’impression et par là nous rendons la trace plus durable.

Mais quelle est donc la nature, qu’est-ce qui fait l’essence de cette trace ? — Sans doute, nous ne pouvons répondre à cette question qu’hypothétiquement. — Peut-être est-ce un déplacement des molécules des éléments nerveux qui subsiste longtemps et qui leur procure une plus grande « disposition » à la fonction, autrement dit ces éléments nerveux entrent plus facilement en activité ; peut-être est-ce la fonction même des éléments nerveux, la fonction, ou la vibration, qui persiste toujours dès que ces éléments ont été mis en activité, mais une vibration tellement faible qu’elle ne peut pas produire un état de conscience.

Autre chose est de savoir lesquels des éléments nerveux gardent ces traces sont-ce les cellules ou les tubes nerveux ?

Nous savons que les masses centrales du système nerveux, c’est-à-dire l’encéphale et la moelle épinière, sont composées de cellules nerveuses qui en sont les centres, et de tubes nerveux qui en forment les conducteurs. Nous trouvons la même constitution dans la partie de l’encéphale qui a le plus de rapports avec l’activité psychique, c’est-à-dire avec la couche corticale de l’encéphale. Là aussi, nous voyons une infinité de cellules nerveuses et de tubes nerveux. Une partie de ces tubes nerveux est destinée à relier les cellules de la substance corticale au monde extérieur, c’est-à-dire à y porter aux cellules les impressions sensorielles et à en emporter les impulsions motrices ; une autre partie de ces tubes est destinée à relier les cellules entre elles. Ceux-ci, c’est-à-dire ceux qui relient les cellules, forment ce qu’on appelle le système d’association. Il existe une hypothèse qui attribue à ce système la fonction de relier entre elles nos images, en d’autres termes, c’est à ce système que nous devons l’association des idées.