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KORSAKOFF.des maladies de la mémoire

ne pouvait être rappelé revenait à la mémoire au bout d’un an ou deux. Quelles sont donc ces conditions ?

Nous avons déjà dit que la solidité des traces dépend en grande partie du nombre et de la solidité des associations qui y prennent part : les anciennes impressions, les habitudes, associées à un nombre infini d’éléments nerveux, résistent le plus à la destruction ; les nouvelles, qui ont peu d’associations, s’effacent plus vite. Il est probable que c’est dans la différence qualitative et quantitative des associations que se trouve l’explication du phénomène qui nous intéresse. Supposons qu’un jour la faculté des conducteurs d’exercer leur activité d’association soit dérangée ; supposons qu’elle ne disparaisse pas complètement, mais qu’elle soit bien affaiblie : qu’en doit-il suivre ? Les nouvelles impressions parviendront à la conscience, y seront perçues, y laisseront une trace dans les éléments nerveux qui les auront perçues, mais ces perceptions n’entreront pas en association solide avec les autres perceptions. Même les impressions perçues aussitôt après ne s’associeront pas aux premières, de manière que nous n’aurons pas la chaîne d’impressions successives qui s’établissent à l’état normal, et c’est pour cela que l’impression, même en laissant une trace dans les éléments nerveux, se perdra dans les profondeurs de la vie psychique. C’est ainsi qu’on peut expliquer qu’une impression est oubliée aussitôt qu’une nouvelle impression l’a remplacée et qu’elle ne peut plus être rappelée avant que les conditions de la liaison associative soient améliorées. Cependant les anciennes impressions, dont les liaisons d’association sont solidement établies par une répétition fréquente et une existence de beaucoup d’années, pourront se reproduire dans la conscience même sous ces nouvelles conditions. Ce qui prouve que la solidité de la liaison d’association de ces anciennes impressions y joue le rôle essentiel, c’est que les impressions perçues peu avant le début de la maladie ne se reproduisent pas non plus ; on ne peut douter qu’elles soient fixées, que les traces en soient conservées ; mais, grâce à leur origine récente, elles sont peu associées, c’est pour cela que le désordre des voies d’association a troublé leurs relations. Voilà les effets des troubles fonctionnels de la faculté de l’appareil d’association.

Voyons maintenant ce qui va se passer lorsque la faculté fonctionnelle commencera à se rétablir : la voie de l’innervation sera rendue plus facile, bien qu’elle soit encore embarrassée ; par conséquent le procès d’innervation portera l’excitation aux éléments qui gardent la trace d’impressions anciennes, mais cette excitation sera encore si faible qu’elle ne pourra provoquer une activité assez