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intense et durable pour pouvoir faire naître une image consciente. Il y aura des souvenirs alors, mais ils ne parviendront pas jusqu’à la conscience ; ils resteront encore et agiront dans la sphère inconsciente. Cela explique la sagacité des malades que j’ai fait remarquer et qui est possible en l’absence totale de mémoire consciente.

Le rétablissement des voies d’association continue, et, enfin, le procès d’innervation se propage avec assez d’intensité pour pouvoir reproduire des images conscientes, d’autant plus que les éléments qui conservent les traces d’impressions, grâce à la renaissance qui continue, fortifient leurs associations avec les autres, étendent de plus en plus leurs racines dans la vie psychique. Dans cet état les malades sont capables d’avoir des souvenirs conscients, bien qu’ils ne puissent pas, pour la plupart du temps, les évoquer activement, ni les localiser dans le temps, ni même les qualifier régulièrement ; ils ne peuvent pas, par exemple, distinguer ce qui s’est passé réellement de ce qu’ils n’ont vu qu’en imagination. Peu à peu la renaissance des voies d’association va plus loin, les impressions reparaissent dans la conscience avec un plus grand nombre d’associations, et alors le malade est en état de qualifier les traces de ces impressions, de les comparer, de les localiser dans le temps, etc. Peu à peu, il acquiert la connaissance des voies par lesquelles se reproduisent les impressions oubliées, et le malade peut porter, à son gré, son attention de manière que l’excitation trouve cette voie et que l’impression oubliée soit reproduite. C’est ainsi que se rétablit la mémoire active et le rétablissement ultérieur se fait voir dans son perfectionnement.

C’est ainsi que les choses se passent dans des conditions favorables, pendant le rétablissement. Au contraire, dans des conditions défavorables le désordre de l’appareil d’association devient plus profond ; par conséquent, le nombre des voies d’association désorganisées étant plus nombreux, le degré de leur désorganisation est plus grand. Par suite la faculté fonctionnelle des anciennes associations s’amoindrit aussi ; les anciens souvenirs ne se reproduisent plus non plus dans la conscience. L’amnésie devient toujours plus profonde et peut atteindre son plus haut degré.

C’est ainsi que nous pouvons expliquer par l’affection de l’appareil d’association les particularités de l’amnésie sur laquelle nous avons attiré l’attention, de même que les différents degrés de cette amnésie dans les différents cas. L’appareil d’association est composé de tubes nerveux, reliés à quelques-unes des cellules nerveuses de la couche corticale ; il me semble qu’on peut expliquer le développement de cette amnésie par le dérangement des tubes ner-